Le sixième album de l’impeccable Sam Beam chef opérateur d’Iron & Wine est un modèle du genre.
C’est dans sa maison familiale alors adolescent que Sam Beam a découvert la guitare acoustique, son paternel ayant l’heureuse habitude de laissé traîner ses instruments un peu partout. En 2017, Beast Epic, sixième album de son collectif Iron & Wine est un bel hommage à son instrument de cœur. Un retour aux sources folk après quelques albums portés vers des sonorités plus exotiques (The Sheperd’s Dog), voire jazz (Ghost on Ghost).
Pour l’enregistrement de ce nouveau projet, Beam a investi le studio d’enregistrement de Jeff Tweedy (Wilco) à Chicago, The Loft, à l’acoustique particulièrement soignée dixit le songwriter. Alignée comme des trophées, une monumentale collection de guitares s’est alors offerte à lui : un vrai bonheur pour tout musicien aguerri et passionné, comme pour tout grand enfant égaré dans son magasin de jouet préféré. Le grand Sam n’a pas su se refréner ! Sa voix comme postulat de départ, il a testé un maximum de guitares avec la ferme intention d’utiliser celle correspondant le mieux à la composition du moment. Son travail en studio a donc été particulièrement méticuleux.
Ce sixième album – le quatrième pour le label de Seattle Sub Pop – 15 années après ses débuts, est un aboutissement. A sa première écoute, il ne paye pas de mine mais le charme opère progressivement. Beast Epic n’a pourtant rien de bestial ni d’épique, la bête est plutôt apprivoisée et inoffensive, et l’architecture musicale est une construction fragile d’accords. Sam Beam a aussi soigné son look, avec sa barbe de plus en plus dense, drue et broussailleuse ; sa musique elle est aux antipodes : désarmante de simplicité, cool et déliée.
Beam a mené sa barque avec maestria ; le temps de la séduction ne court que sur 36 minutes, mais cette courte parenthèse est bien suffisante pour toucher son public. Les arrangements sont dépouillés, on apprécie particulièrement son touché de guitare acoustique. Sur la majorité des compositions sa musique est idéalement complétée par quelques touches subtiles de piano, quelques pincements de violon ou de violoncelle ; d’autres nobles instruments (mellotron ou son ancêtre le chamberlain), cithare, banjo,… viennent parfaire et ciseler le tableau. Cette couche discrète et légère est savamment dosée et donne une patine à ses compositions. Sous cette économie apparente de moyens, on peut découvrir tout l’art de Sam Beam à habiller ses chansons : les textures sonores sont chaleureuses et les mélodies engageantes occupent idéalement l’espace sonore. La guitare électrique semble absente des débats, mais pas de panique, Beam est avant tout un expert confirmé de la six-cordes acoustique. La preuve sur l’intimiste morceau “Thomas County Law” à l’empreinte countrisante. La sensibilité de ses compositions est aussi très palpable – et un peu plus que la moyenne – sur les morceaux les plus dépouillés ou rêveurs : “Song in Stone”, “Summer Clouds” ou “Our Light Miles”. Quelques titres élèvent le curseur du tempo – “About a Bruise” par exemple développe une belle dynamique entretenue par des sonorités world, quant au popisant “Call It Dreaming” il attend quelques instant pour accélérer son rythme. On note par intermittence sur cet album quelques séquences virevoltantes et insaisissables de violons ou de violoncelles qui débordent sur les terres du musicien Andrew Bird.
Sam Beam a par le passé régulièrement recherché les collaborations : en 2016 sur Love Letter for Fire il s’était rapproché de Jesca Hoop, en 2015 de Ben Bridwell (The Band of Horses) sur Sing into my Mouth, en 2013 sur Ghost On Ghost, il a collaboré avec Paul Niehaus de Calexico et Tony Garnier bassiste avec Bob Dylan. Ces derniers mois le musicien de Caroline du Nord a beaucoup joué avec des musiciens de jazz. Son idéal musical est peut-être à aller chercher à la croisée des chemins entre le folk et le jazz. Les illustres John Martyn et Van Morrisson sont en tout cas des modèles.
Le titre de ce disque est assez énigmatique. Selon son auteur, Beast Epic serait un récit où les animaux se comportent et parlent comme les humains. Tiens … peut-être une parabole musicale inspirée du roman métaphorique de George Orwell La ferme des animaux ? ! Les animaux de la ferme sont parait-il très réceptifs à la musique classique. Et pourquoi pas aussi à la folk musique de qualité ?
Sub Pop/PIAS – 2017
Tracklisting :
- Claim Your Ghost
- Thomas County Law
- Bitter Truth
- Song In Stone
- Summer Clouds
- Call It Dreaming
- About a Bruise
- Last Night
- Right for Sky
- The Truest Stars We Know
- Our Light Miles