Le retour avec l’art et la manière d’une des plus attachantes formations power pop 70’s. « Like the good ol’ days…« 


Nul doute que le titre de l’album, Fantastic Plastic, ne manquera pas de faire sourire ceux qui se souviennent du tube d’Elmer Food Beat… Rassurez-vous, aucune reprise du groupe nantais rigolot ne figure à l’ordre du jour de ce disque inespéré des légendaires Flamin’ Groovies.

Si le groupe californien formé en 1965 a gravé quelques hymnes rock n’roll au début de sa carrière, tels que Teenage Head (1971), on préfère vénérer leur période Sire Records, lorsque le groupe opère, fort de l’arrivé du guitariste/chanteur Chris Wilson, une spectaculaire mue marquée du sceau pop “BBB” (Beatles/Byrds/Beach Boys). Avec trois albums studios passés à la postérité, Now (1978), Jumpin’ The Night (1979) et surtout le monumental Shake Some Action (1976) que l’on place au panthéon de la power pop 70’s, tout près de Big Star, Utopia et les Rubinoos.  Fantastic Blue scelle la réconciliation, après une brouille de 33 ans, entre le guitariste et membre fondateur Cyril Jordan, et Chris Wilson. Autant dire qu’on pensait ne jamais retrouver cette paire de songwriters, auteurs ensemble de quelques mélodies inoubliables, dont “You Tore Me Down”, repris avec classe par Yo la Tengo dans les années 90.

Rabibochés donc depuis un concert donné en 2013, puis quelques tournées qui les poussèrent jusqu’au Japon, les deux complices se sont attelés à composer de nouvelles chansons. Douze titres (dont deux reprises) enregistrés avec le bassiste historique George Alexander, ainsi que le batteur Victor Penalosa (membre depuis 2013), plus l’assistance de membres du groupe garage Fabulous Thunderbirds. Et miracle, contre toute attente, la magie opère à nouveau. Les revoilà comme au bon vieux temps, ces mélodistes hors-pairs,  gentlemen de la guitare qui twanguent, dont les accords ont le pouvoir d’ouvrir instantanément en nous les vannes de la nostalgie, pour le meilleur. Premier signe : la couverture intérieure de l’album est un clin d’oeil au Meet the Beatles. On ne se refait pas.  “What The Hell’s Goin’ On”, entrée en matière pourtant très Stones, se laisse écouter agréablement, sans grimper au plafond dirons-nous. Mais vient ensuite un des temps fort de l’album, « End of The World », joyaux pop comme plus personne ne sait en composer, et dont les arpèges et harmonies vocales doublées ne sont pas sans rappeler “Don’t Fear The Ripper“ du Blue Oyster Cult (ça tombe bien, une de nos pop song préférées), mais détourné avec l’art et la manière des Groovies, dans le jus Rickenbacker. Tout est là, parfait, vibrant, on en redemande ! Compositeur toujours inspiré, Chris Wilson n’a, il est vrai, plus le brin de voix claire de sa jeunesse, mais chante toujours magnifiquement et tient parfaitement les notes hautes. On est bien loin du  naufrage de Brian Wilson.

Comme de tradition, les Groovies ont étoffé l’album de deux excellentes reprises, choisies avec bon goût : « Don’t Talk to Strangers » du légendaire quartet californien Beau Brummels, assez fidèle à l’originale (difficile de la surpasser cela dit), et “I Want You Bad” des méconnus vétérans NRBQ, un trésor caché magnifié par les guitares arpégées de Jordan/Wilson  carillonnant non sans grâce.  Fantastic Plastic oscille pour le reste équitablement entre joyeuses parties de riffs rock n’roll (« Let Me Rock », « She Loves You », « Cryin’ Shame »…) et ballades sensibles, d’une simplicité désarmante, interprétées avec un amour et un enthousiasme inaltérés (superbe « Lonely Heart » au piano et guitare sèche). Sans oublier un charmant petit instrumental surf (« I’d Rather Spend My Time With You »),  moment de coolitude absolu pour tout épicurien de la cause pop sixties.

Tout n’est pas exempt de tout reproche (« Just Like a Hurricane », en mode country/rock un peu gras…). Toutefois, on s’étonne à revenir régulièrement sur cette collection de chansons de facture classique, sincères, sans la moindre prise de tête. Une pop universelle que tout le monde pense savoir jouer, sauf que non, il n’y a rien de plus difficile.  Cette légèreté nous soulage, entre deux nouveautés psyché-folk ou electro-ambient. A l’instar du formidable come back du Dream Syndicate ces jours-ci, ces glorieux séniors font plaisir à entendre.  En marge des modes musicales et de la course connectée de notre monde moderne, la résilience de ces sexagénaires toujours passionnés, a quelque chose qui nous remue profondément.

Severn Records / 2017
https://www.facebook.com/TheFlaminGroovies/

 

Tracklisting:

  1. What the Hell’s Goin’ On
  2. End of the World
  3. Don’t Talk to Strangers
  4. Let Me Rock
  5. She Loves You
  6. I Want You Bad
  7. Crazy Macy
  8. Lonely Hearts
  9. Just Like a Hurricane
  10. Fallen Star
  11. I’d Rather Spend My Time With You
  12. Cryin’ Shame