Sur la trame d’un film en noir et blanc (le morne destin du musicien Bobby Jameson) Ariel Pink expulse un jouissif album de pop musique saturé de couleurs.


Comme postulat de départ Ariel Marcus Rosenberg (aka Ariel Pink, aka Ariel Pink’s Haunted Graffiti) s’est ému (identifié ?) du destin musical troublé du songwriter californien Bobby Jameson (ancien protégé du manager et producteur Andrew Loog Oldham) qui officia dans les années 60 à l’ombre des palmiers du Sunset boulevard. De ces mauvaises vibrations est sortie une œuvre musicale positive et hétéroclite, bien vivante et bourrée de trouvailles musicales ; de la pop vivace, toute tourneboulée et pas lissée pour un sou. Attention ! … qui n’est pas familier du lascar pourra trouver matière à rechigner sur l’appellation de musique pop. Par exemple : planté en plein cœur de son nouvel opus l’addictif et cintré “Time to live” est très expérimental, bourré de répétitions et de brisures dans le cheminement, d’effets en tout genre (un son étouffé et trafiqué de synthés et de claviers saturés où Ariel Pink martèle inlassablement qu’il est temps de vivre) et de références (la trame mélodique est construite sur le “Video Killed the Radio Star’’ des Buggles). Bref on affinera quand même, en qualifiant au premier abord ce onzième album du californien, de pop psyché un chouïa zarbie. Comme d’hab finalement, mais un cran plus canalisé peut être.

Ariel Pink vit aujourd’hui correctement de sa musique. Sa discographie est pourtant pavée de petites folies et d’extravagances lo-fi pas toujours aisément assimilables par le commun des mortels. Dans les années 2000, Ariel ne quitte pas son petit 8-pistes à cassette ; cela ne l’empêche nullement d’afficher ses ambitions (sa soif de reconnaissance) ; il est d’abord soutenu par ses potes en école de musique, puis logiquement, par ses professeurs ; John Maus est son ami et il collabore aussi avec R.Stevie Moore. Il est ensuite logiquement signé ; le label Paw Tracks  d’Animal Collective sera sa première structure d’accueil. Dans son escarcelle il traîne déjà une discographie conséquente, mais c’est The Doldrums en 2004 qui retient plus particulièrement l’attention. Il faut attendre 2007 et Underground pour avoir la signature estampillée Ariel Pink’s Haunted Graffiti, cet opus est donc considéré par son géniteur comme l’an 1 de sa pléthorique discographie. Son désir de découvrir un vrai studio d’enregistrement est alors bien réel, son souhait sera exaucé le jour de sa signature au sein de l’écurie londonienne 4AD. Suivra le triptyque Before Today (2010), Mature Themes (2012) et Pom Pom. Depuis 2014 pas de nouvelles de l’agité. L’exubérance est pourtant sa marque de fabrique. Si l’homme a vieilli, l’artiste lui continue à s’amuser.

A l’écoute de Dedicated to Bobby Jameson les ondes musicales positives se propagent allègrement. Pourtant ici et là pointent quelques discrètes larmes de mélancolie. Le premier single “Another Weekend” est par exemple idéalement enveloppé dans sa brume, l’instant est tendre et sans dissonance, la voix et les guitares glissent dans une ambiance spatiale remplie de vague à l’âme. “Do Yourself a Favor’’ exhale le même parfum. Sur un sifflement résigné Ariel accompagné de sa six cordes acoustique semble témoigner du respect et ressentir de la compassion envers Bobby Jameson. A contrario, de pur moment de pop ensoleillée réchauffe bien souvent les cœurs ; “Bubblegum Dreams’’ rebondit dans tous les sens, plusieurs courts morceaux coexistent en son sein. Le tempo est au top. L’éponyme “Dedicated to Bobby Jameson’’ n’est pas loin du morceau parfait, irrésistible : la guitare, l’orgue et son refrain qui résonne du surnom de Bobby : ‘Mayor of the Sunset Strip’ ; on visualise alors le fantôme de Bobby Jameson déambulant et heureux sur l’interminable et mythique artère de LA. “Feels Like Heaven’’ est un peu son « Just like Heaven » – morceau particulièrement soigné mélodiquement aux réminiscences new wave. Des morceaux synthétiques figurent aussi en bonne place, le très Jeremy Jay “Time to Meet Your God’’, quelques bricoles et bizarreries lo-fi assez irrésistibles marque de fabrique du loustic apportent un grain de folie -“Santa’s in the Closet’’, “I Wanna Be Young’’ et l’exercice de style “Death Patrol’’ ainsi que “Dreamdate Narcissist’’ au déhanché très garage-rock. La reprise d’un titre de 2015 “Acting’’ du musicien et producteur de funk Dâm-Funk est ‘Princiere’. Son formidable et multicolore Happy ending nous réconcilie même avec les remerciements interminables !

Une nouvelle production d’Ariel Pink est toujours pleine de surprises, un concept en soi. Cette dernière ne déçoit nullement et enchante pleinement. Ariel Pink a consacré du temps – son temps- de l’énergie et une œuvre musicale à un destin malheureux, celui d’un obscur songwriter. Sous cette dédicace affichée et sincère on est pourtant musicalement à des années lumières de l’esthétique folk des années 60 de son protagoniste. Mais dans l’esprit et les paroles, c’est une tout autre histoire.

Mexican Summer2017

http://www.mexicansummer.com

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Tracklist :

  1.  Time To Meet Your God
  2. Feels Like Heaven
  3. Death Patrol
  4. Santa’s In The Closet
  5. Dedicated To Bobby Jameson
  6. Time To Live
  7. Another Weekend
  8. I Wanna Be Young
  9. Bubblegum Dreams
  10. Dreamdate Narcissist
  11. Kitchen Witch
  12. Do Yourself A Favor
  13. Acting (feat. DāM-Funk)