L’ami irlandais Adrian Crowley broie du noir.


Dark Eyed Messenger le huitième album d’Adrian Crowley est interdit aux dépressifs de tous les pays. On a aussi du mal à imaginer le musicien de Galway une chope de bière irlandaise à la main et l’esprit à la gaudriole pendant l’écriture et l’enregistrement de sa nouvelle production. Seule explication possible à cet état : celle d’un cœur brisé. Il n’empêche, ces toutes nouvelles compositions étrennent leurs élégiaques beautés avec classe. A commencer par “The Wish” – l’ouverture qui pose les premiers jalons, et donne le ton général de l’album. Ce morceau ultra-mélancolique est parfait dans son genre – tous les éléments qui en font sa sève –  sont à leur juste place. En premier lieu le timbre de voix d’Adrian Crowley – idéalement sombre – dans la lignée des maîtres du genre. Secundo le cheminement sobre, minimal et intimiste de l’instrumentation – simplement émaillée de quelques notes de piano – calée entre deux respirations et une lampée de claviers. Les dix autres titres ne sortiront pas de ce moule à quelques subtiles et delta variations. Chaque séquence musicale aura bien sûr sa propre histoire.

Dark Eyed Messenger n’est pas non plus une œuvre solitaire. A la baguette officie le producteur New-Yorkais Thomas Bartlett ; par le passé producteur émérite de Sufjan Stevens, Martha Wainwright ou des Magnetic Fields. Sous sa houlette (peut-être) Crowley a choisi de laisser dans son étui sa six cordes. L’instrumentation démuni de sa puissance, le feu est ailleurs. La combustion est intérieure. Le cheminement musical n’est qu’une variation autour des instruments (piano, claviers, cordes, clarinette, violon) toisée par le timbre de voix caverneux et sépulcral du musicien. Le plaisir est simple ici : se laisser envelopper par ses séquences de spleen, intégrer ces compositions et se délecter de ce vague à l’âme. Certaines romances nous feront tressaillir plus que d’autres : la douceur du climat de “Halfway to Andalucia” par exemple ;  le minimaliste et solennel “Still This Desire” ; l’austérité mélancolique du touchant  “Little Breath” ; le nocturne et cinématographique “And So Goes The Night’’ ou l’inconsolable et brisé “Lullaby To A Lost Astronaut’’. Adrian Crowley n’a aussi pas tout à fait respecté son concept du ‘sans guitare’. En effet, bourdonnent et survivent quelques riffs d’une six-cordes ; perdue au fond de la ‘vallée des larmes’, que balayent des vents froids et gothiques.

Enregistré en quatre jours à New York, dans une urgence recherchée par le musicien, au rythme de trois chansons par jour, Adrian Crowley a semble-t-il  voulu ne pas se perdre et se consumer dans un plus long processus. Quoiqu’il en soit, l’écoute de son ‘messager aux yeux noirs’ n’est pas forcément porteuse de funestes nouvelles.

Chemikal Underground / Pias – 2017

 

http://www.chemikal.co.uk/

https://www.facebook.com/Adrian-Crowley-1497023113844535/

Tracklist :

1. The Wish
2. Halfway to Andalucia
3. Silver Birch Tree
4. Little Breath
5. Valley of Tears
6. The Photographs
7. Unhappy Seamstress
8. Cathering In The Dunes
9. Lullaby To A Lost Astronaut
10. And So Goes The Night
11. Still This Desire