La nouvelle production de l’ex Super Furry Animals et Gallois Gruff Rhys est un bijou de pop musique somptueusement accompagné par l’Orchestre Symphonique National de la BBC Galloise.
Gruff Rhys plus au top que jamais. Babelsberg, sixième album solo, en comptabilisant Set Fire To The Stars (sa BO de 2016) est tout bon, voire même un peu plus : des mélodies entraînantes, un brin rétro et rudement bien ficelées ; une régalade de bout en bout. Le songwriter gallois a écrit et composé ces morceaux il y a déjà deux ans. Il a donc temporisé, mais Gruff ne fait rien comme les autres, c’est bien connu. Sa merveilleuse idée : faire appel aux 72 musiciens composant l’Orchestre National de la BBC Galloise et convier le compositeur irlandais Stephen McNeff aux partitions.
Au final, Rhys a donné ses consignes en menant à la baguette et de main de maître son œuvre ainsi que son orchestre. Au final tout est juste, l’ex Super Furry Animals ne s’est pas étranglé avec les cordes ni enseveli sous les cymbales ; les bois, les cuivres, les cordes et les percussions de la BBC viennent justement combler l’espace vital de chaque titre sans jamais dégouliner. Ce liant orchestral habille magnifiquement et sobrement chacune des compositions qui privées de cette habillage de prestige auraient tout de même tenu grandement la route. Mais on prend !
On peut ici évoquer de belles références sans trop en surjouer : il y a sans se tromper un peu de Scott Walker, de Lee Hazlewood ou de Leonard Cohen première période niché dans Babelsberg. A l’écoute de cet album on grimpe donc jusqu’au ciel, le mythe des tours de Babel est requalifié par Rhys en Babelsberg un quartier localisé dans le sud-est de la ville de Potsdam en Allemagne. Juché sur le toit du monde Gruff Rhys observe l’état de notre civilisation. Dans ce monde désordonné et déréglé il recherche de l’air frais. Les thèmes de cet opus mélangent les problématiques de notre époque, Gruff Rhys en vieux briscard et pas rabat-joie pour un sou, jongle avec pertinence avec ces thèmes, le constat est parfois sombre, réaliste, métaphorique ou désabusé ; voire sarcastique ou absurde, mais le vétéran Rhys (25 ans de bons et loyaux services tout de même) et icône en terre Galloise s’en donne à cœur joie. Le nôtre resplendit aussi car ce nouvel LP est de la trempe de ceux qui s’impriment dans l’instant. Malgré le réalisme des thèmes, la tonalité musicale sera légère quelque fois ensoleillée et luxuriante.
Gruff Rhys s’est aussi entouré de Kliph Scurlock à la batterie (ex-Flaming Lips) et des musiciens Stephen Black (Sweet Baboo) à la basse et Osian Gwynedd au piano. L’actrice et mannequin Lily Cole est invitée sur “Selfies In The Sunset”. Leur duo est optimal et se place dans la grande tradition de ces associations mixtes qui ponctuellement par le passé nous ont enchantées. L’atmosphère musicale développée est un brin mélancolique ; Rhys pousse le concept jusqu’ à l’irrationnel (en toile de fond d’une incandescente fin de monde de nombreux individus s’immortalisent à coup de selfies apocalyptiques). Chacun des titres mériteraient son petit discours : “Drones In The City” par exemple, où furtivement Gruff y murmure sous un ciel étoilé de cordes sa vision du futur ; en levant les yeux il observe : Big Brother et sa flotte ‘d’aéronef sans humain’.
L’entame est hyper emballante. Sur “Frontier Man” l’orchestre symphonique national gallois est à l’œuvre, il nous plonge dans un ballet de cordes resplendissantes, les thèmes de l’illusion et de la politique sont chantés par un Gruff Rhys Hazlewoodien en diable et une Lisa Jên Brown bien Sinatresque. L’emballant et métaphorique “The Club” digresse sur les conséquences de l’expulsion de l’individu hors de sa communauté, musicalement le rythme est dynamique et travaillé ; “Oh Dear!” poursuit dans la même voie – le couple tempo / orchestration s’accélère (Jarvis Coker et Pulp remontent à la surface sans trop savoir pourquoi !) “Limited Edition Heart” conclut en beauté ce carré d’entrée. Il séduit fortement par sa simplicité mélodique, c’est souvent l’apanage des mélodies les plus réussies. Çà et là Gruff Rhys injectera aussi, mais à dose infinitésimale, quelques pointes de psychédélisme soft.
Ces 10 compositions originales pleines d’entrains et vivifiées par l’apport de l’orchestre symphonique de la BBC Galloise nous mettent pleinement en joie. Ces « vitamines du bonheur » se gobent par dix.
Rough Trade / Pias – 2018
Tracklisting :
- Frontier Man
- The Club
- Oh Dear!
- Limited Edition Heart
- Take That Call
- Drones In The City
- Negative Vibes
- Same Old Song
- Architecture Of Amnesia
- Selfies In The Sunset