Quatre ans après le décevant « El Pintor », le trio new-yorkais se voit, sur ce 6e opus, salutairement graisser ses rouages par le producteur Dave Fridmann.
Sans conteste, la grande nouveauté sur ce sixième album d’Interpol, piliers incontestés du revival post-punk des années 2000, ce n’est pas le groupe, mais la production confiée au réputé Dave Fridmann (MGMT, Tame Impala, Mercury Rev…). Chose rare pour le trio de NYC qui n’a plus collaboré avec un producteur depuis leur troisième album Our Love To Admire (2007). Le blond ténébreux Paul Banks et sa bande signent cette année un retour aux sources qui saura satisfaire autant les nostalgiques du brillant Turn On The Bright Lights (2002) que les nouveaux arrivants sur la planète Interpol.
Les hostilités s’ouvrent avec « If You Really Love Nothing » qui sonne davantage comme une mise en bouche (illustrée par un clip mettant en scène la belle effrontée Kristen Stewart, à priori emportée par la fièvre du samedi soir, et désirant n’en faire qu’à sa tête) avant « The Rover », premier véritable tube du disque emmené par un duo charley/caisse claire de Sam Fogarino qui nous inciterait presque à sautiller pour les plus fougueux d’entre nous. Après ces deux titres fédérateurs, « Complications » offre un pendant plus sombre et inquiétant, tout droit issu des méandres du cerveau de Banks. Mais rebelote avec « Flight Of Fancy », deuxième tube potentiel qui peut prétendre à rejoindre les meilleurs compositions des New Yorkais – mention spéciale à son outro mémorable.
Passé le premier quart d’heure d’écoute, on peut saisir la volonté de Fridman de revenir à un son plus forgé pour la scène, moins lisse que les précédents albums, avec une basse placée au second plan qui sert désormais plus d’accompagnement à la voix de Banks (ce dernier d’ailleurs assure toutes les parties de 4 cordes sur l’album), aux riffs hypnotiques de Daniel Kessler et surtout la batterie, énorme, qui prédomine. C’est indéniablement ce wall of sound « grandiose » si caractéristique du producteur qui donne au son Interpolien sa vigueur d’antan.
Ne pas pour autant se leurrer, pour l’innovation sonique, veuillez repasser. Marauder recycle les bonnes vieilles ficelles du premier album. « Stay In Touch » commence par un riff de Kessler, certes peu original, mais assez convaincant pour tenir notre attention plutôt que d’aller faire chauffer la cafetière : Sam Fogarino est quant à lui à son Zénith, tandis que la voix de Paul Banks développe de son côté une ambiance un brin planante, un poil inquiétante. La recette de l’alchimie Interpol doit être dans cet alliage.
Si Marauder est une pièce de théâtre, « Interlude 1 » en serait l’entracte. Ce court instrumental ne mérite pas que l’on s’y attarde des heures mais offre une pause salutaire avant l’épatant « Mountain Child », dont la guitare de Daniel Kessler monte crescendo, de plus en plus mélodique.
Le justement nommé dixième titre « Number 10 » (manque d’inspiration ? flemme de trouver un nouveau titre ?), un des morceaux instrumentalement les plus enjoués de l’album, se distingue de l’ensemble comme une note d’espoir dans un univers cerné de doutes. Cependant le texte, qui raconte une romance secrète compliquée entre une patronne et son employé, nuance cette impression. Le doublé finale « Party’s Over » et « It Probably Matters », clôture 44 minutes d’une écoute que l’on n’a pas vu passer. Retour aux sources confirmé pour Interpol.
PS : Pour les petits curieux qui se demandent sur la pochette de l’album qui est l’homme encravaté entouré de micros, la mine sérieuse, il s’agit de Elliott Richardson le procureur général américain qui avait refusé d’exécuter les ordres du président Richard Nixon lors du scandale du Watergate en 1973, et qui avait démissionné pour cette même raison.
En concert Salle Pleyel à Paris le 29 novembre 2018
Tracklisting :
1. If You Really Love Nothing
2. The Rover
3. Complications
4. Flight of Fancy
5. Stay In Touch
6. Interlude 1
7. Mountain Child
8. NYSMAW
9. Surveillance
10. Number 10
11. Party’s Over
12. Interlude 2
13. It Probably Matters