Effréné et exigeant, le dernier album de Marc Richter s’accapare de son auditeur et l’incorpore dans son mouvement tumultueux.
Le musicien allemand Marc Richter, l’homme derrière Black to Comm, s’est constitué progressivement une solide discographie en créant surtout des bandes sonores pour performances, pièces théâtrales ou encore films. Ce registre artistique n’est pas un élément anecdotique, dans le sens où ses expérimentations sonores prennent pour chaque occasion une allure précise.
L’expérience de ses différents albums démontre que Richter est loin d’être un musicien avare en terme de contenus sonores proposés, et Seven Horses for Seven Kings ne déroge absolument pas à la règle. Mais il y a sûrement, vis-à-vis de l’accessibilité de la musique de Richter, un tournant subtil ici qui s’opère et justifie l’attention d’un label comme Thrill Jockey ( Tortoise, The Sea and Cake, Wooden Shjips…) . La démarche assez composite du musicien allemand mêlant drone, expérimental et éléments orchestraux est poussée ici à son paroxysme, qui atteste bien l’ouverture de l’album (« Asphodal Mansions ») où les cuivres sont comme l’annonciateur d’un théâtre sonore plutôt obscure à venir, comme dans la plupart des productions du musicien. Ce qui est confirmé par « A Miracle No-Mother child at your Breast » qui s’ensuit, où les échos ténébreux des rythmes se mêlent aux sons électroniques tranchants qui grésillent, crépitent et forment un délicieux tourbillon.
Les compositions font rarement de place à des propriétés minimalistes, puisque Richter semble apprécier toujours autant à saturer les couches sonores et jouer avec les intensités. Cela peut même se dérouler à l’intérieur d’un morceau, comme dans « Ten Tons of Rain in Plastic Cup », où le musicien n’hésite pas à casser le mouvement ascendant de la ligne sonore avec un brutalisme inattendu. Ce qui, par ailleurs, participe d’une recherche plus générale chez Richter de l’éclatement des sonorités, où les instruments comme la clarinette (« Licking the Fig Tree »), le piano (« Double Happiness in Temporal Decoy ») mais aussi des percussions, des voix (« If Not, Not ») semblent davantage fonctionner comme des prétextes, des outils, afin d’élargir un maximum les effets horizontaux de sa musique.
La production de l’album (effet Thrill Jockey ?) est en ce sens à la hauteur, puisque toutes les orchestrations sont rendues selon leurs justes valeurs incisives et riches. Mais le revers de la médaille, c’est aussi qu’il devient assez facile, à la longue, de se fatiguer, mais aussi de se perdre, notamment vers la fin de l’album, après avoir été assujetti à autant d’aspects hétéroclites.
Autant dire que Seven Horses for Seven Kings apparaît comme un album hautement exigeant, laissant peu de place à la distraction consolatrice ou à des moments de répit. C’est sûrement le prix à payer pour apprécier pleinement toute composition de Richter qui, au final, s’élabore comme des fragments qui répètent inlassablement la sensation d’une fin des temps et dont l’issue se trouve à chaque fois retardée.
Thrill Jockey – 2019
Tracklist :