Du folk intimiste et tropical au menu du troisième et mystique opus de la Californienne Jessica Pratt.
Attention, la songwriter américaine Jessica Pratt est dans sa bulle… et nous avec.
Rien ne viendra donc troubler l’écoute religieuse de son nouvel LP. Cette petite trentaine de minutes de bonheur introspective est accueillie comme un doux et paisible moment à passer en sa compagnie, voire même un pur instant de suave et délicate mélancolie. Quiet Signs aimante, absorbe et charme dans l’instant. Bien difficile de s’extraire du cercle magnétique de ces 9 compositions. Paradoxalement, Jessica Pratt baigne quotidiennement depuis quelques années dans le magma californien au sein de la tentaculaire Los Angeles, mais à contrario, sa musique n’est qu’épure, isolement, chaleur et sérénité.
Depuis 2015, et son premier album de folk encore assez identifiable – l’éponyme Jessica Pratt – la compositrice et interprète américaine n’a produit que des petites douceurs où tout accord dissonant est proscrit de son répertoire.
Aujourd’hui, même l’atypique “Aeroplane”, conclusion de son nouvel opus et unique chanson de tout son répertoire à avoir été enregistrée avec une guitare électrique ne fait pas exception à la règle. Ecrite à l’orée de la parution de son second LP l’excellent On Your Own Love Again fin 2014, cette désincarnée mélopée de folk psychédélique, retravaillée pour l’occasion, et pas si éloignée du répertoire produit par sa compatriote Hope Sandoval avec sa formation Mazzy Star, est un duo intime et distant entre la vieille guitare électrique de Pratt et l’orgue céleste d’Al Carlson. Introduite par un lointain piano et accompagnée par un discret tambourin elle conclue à merveille ce nouveau disque – le premier de toute sa courte discographie à avoir été enregistré dans un vrai studio (au Gary’s Electric à Brooklyn entre 2017 et 2018). L’album écrit à Los Angeles a été co-produit avec Al Carlson (Zola Jesus, Weyes Blood).
La délicatesse des mélodies de Jessica Pratt est exacerbée par son timbre de voix particulier (aux harmoniques d’enfants) ; un croisement incertain entre celui d’Alison Shaw (Cranes), Stina Nordenstam et Joanna Newsom. Ces étranges mélodies (en référence à un magnifique morceau de son second LP) n’appartiennent qu’à elle. Pourtant on y entend parfois quelques références identifiables : aujourd’hui elles sont brésiliennes. Attention, point de samba ni de carioca, mais au programme le meilleur de la pop tropicale des années 70 comme sur le très dépouillé “As the World Turns” ou sur le chimérique “Fare Thee Well” conclu par une séquence de flûte envoûtante. Sur “Crossing” la mélopée est par contre d’un autre temps, le piano d’Al Carlson est la clef de voûte il donne le ton.
On le devine, Jessica Pratt ne s’est pas encombrée d’instruments superflus : une simple guitare acoustique, une flûte, un piano, un orgue et quelques nappes minimales de synthé… et toute sa passion, apportent beaucoup de chaleur à cet apanage dénudé et minimal.
Un sentiment de solitude plane sur cette courte réalisation. Pratt y insert pourtant un pur moment de bonheur mais rien n’y fera : “Here My Love” chanson d’amour mélancolique se fond harmonieusement aux autres morceaux et trouve naturellement sa place.
Avec un minimum d’accords, Pratt fait des merveilles. Son chant magique résonne immuablement avec en point d’orgue la ballade nocturne “This Time Around” où quelques nappes de synthé apportent une touche irréelle. Quelques passages sont aussi plus rayonnants, mais cela tient à un détail : “Poly Blue” par exemple où la flûte de Carlson est un chouia plus joueuse.
Cette ronde intimiste avait débuté comme dans un rêve : sur “Opening Night”. Quelques notes clairsemées et mélancoliques de piano étaient distillées avec soin par le multi-instrumentaliste Matthew McDermott. Très visuel ce court préambule dopait alors fortement notre imagination, on se représentait Jessica Pratt rentrant sur la scène d’un petit cabaret intimiste connu des seuls initiés. La suite… c’est tranquille !
Mexican Summer/City Slang – 2019
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Tracklisting :
- Opening Night
- As The World Turns
- Fare Thee Well
- Here My Love
- Poly Blue
- This Time Around
- Crossing
- Silent Song
- Aeroplane