La révolte sonore reprend des couleurs punk selon le rocker queer de Chicago Ezra Furman.


« Je voulais une musique qui permette de ressentir ce que l’on ressent à vivre dans un monde déchiré, comme le fait le punk rock.» Cette citation de Ezra Furman résume le virulent nouvel album de son auteur, rocker queer originaire de Chicago. Après un subtil et soigné Transangelic Exodus et une B.O. remarquée pour la série Netflix « Sex Education », son septième album a été enregistré en trois semaines en mode fusée et certainement au pied de la rampe de lancement car c’est un brûlot musical contemporain. 

Déchiré, angoissé, il refuse de se bâillonner dans cette société américaine qui a voté Trump. En 12 morceaux (12 Nudes) Furman, né en 1986, se met véritablement à nu, proteste et clame haut, très haut, sa rage libre à renfort de guitares saturées et incendiaires.  Considérant son album « d’utilité public » face aux « fakes news » et aux manipulations que nous subissons, il arrose un bidon d’essence dans une main, un micro dans l’autre, cette société qui met au pouvoir les haineux et qui se nourrie de la cupidité ambiante.

Il chante, il déchaîne sa différence et ses croyances. Loin de vouloir être un porte-parole de la libération queer et des transgenres, Ezra Furman croit en la force de ses chansons et de ses vidéos, pour affirmer ce qu’il est et ce qu’il est possible d’être. Ses convictions politiques semblent faire partie d’un passé soumis, il s’agit bien aujourd’hui d’un autre état, la révolte à tout cris.
Ces « 12 nudes » produits par John Congleton (Sharon van Etten, St Vincent, et les fous furieux The Thermals) viennent puiser sans ambages dans les racines punk-rock des Clash, des Sex-Pistols ou des Ramones. Ce n’est pas un hommage ou un héritage qu’il souhaite partager avec nous, mais bien un état mental et musical quasi transcendantal qui permet d’exprimer les douleurs et les souffrances de cette société qu’il nous décrit.

En guise de mise en bouche dans la prise, le premier morceau « Calm Down I Should Not Be Alone » prend deux minutes et 22 secondes pour réveiller nos neurones passifs et nettoyer nos tympans trop Julien Doréisés.

« Happiness was never guaranteed, I wanted nothing more than to open up and bleed, No more anaesthetic, alcohol and weed, And now I got my wish and it’s too much for me (Le bonheur n’a jamais été garanti, Je ne voulais rien de plus que de m’ouvrir et de saigner, Plus d’anesthésie, d’alcool et de mauvaises herbes, Et maintenant que mon souhait s’est réalisé, c’est trop pour moi)».

A peine remis on enchaîne avec « Evening Prayer aka Justice », à la fois chant de rébellion et appel à la re-prise de conscience : « I wasted my twenties in submission, I thought I was outside the system, But I was rolling over for wealth and power, As if they really cared about me (J’ai gaspillé mes vingt ans en étant soumis, je pensais être en dehors du système, mais je me retournais pour chercher richesse et pouvoir, comme s’ils se souciaient vraiment de moi) » avec son appel à la rébellion « Tonight you’ve got fire in your bloodstream,If your frail human heart is still pumpingThen make this one night you’ll remember (Ce soir tu as le feu dans le sang, Si votre cœur humain fragile bat encore, Alors fais-en une nuit dont tu te souviendras).»

On retrouve bien d’autres influences qui nous ravissent puisqu’elles nous rappellent que la guitare tonitruante est toujours une arme incontournable pour diffuser tantôt l’angoisse, la panique et réveiller notre inconscient, le chercher dans ses retranchements. Notre ampli l’avait presque oublié… Le trublion a bien décidé de diffuser à la sulfateuse un rock bruyant pour donner encore plus de force à ses prises de positions comme dans « Rated r crusaders » (« Polarizing binary is really not my scene » inspiré par ses réflexions sur le sionisme et le conflit israélo-palestinien)  ou « Trauma » « The mind snaps and economies collapse, When the one who works hardest gets the smallest reward (L’esprit s’enflamme et les économies s’effondrent, Quand celui qui travaille le plus dur obtient la plus petite récompense) ». Vous pourrez également vous essayer au speed musical avec un « Blown » qui atteint le sommet du trash en 58 secondes seulement.

Vous ne pourrez pas passer non plus à côté de son doo-wop « I Wanna Be Your Girlfriend », véritable ovni des années 50, que le musicien revendique comme étant une balade romantique pour transgenre nostalgique et un excellent « America » qui sous couvert pop permet à Ezra Furman d’envoyer un contre hymne américain qui électrocute notre Bruce Springsteen (« If you pay me the ransom, I will write you a national anthem, Against the wall with your hands up, Don’t try anything funny – Si vous me payez la rançon, Je vais t’écrire un hymne national, Contre le mur avec les mains en l’air, N’essayez rien de drôle ». Sa gravité et sa violente lucidité nous glace tout en rallumant un foyer qu’il nous supplie de ne jamais éteindre.

Dans une interview récente, Furzman a déclaré : « L ’un de mes objectifs en faisant de la musique est de faire en sorte que le monde semble plus grand et que la vie semble plus grande», «Je veux être une force qui tente de faire revivre l’esprit humain plutôt que de l’écraser, d’ouvrir des possibilités plutôt que de les fermer. Parfois, une négativité passionnée est la meilleure façon de le faire. »

Après plusieurs écoutes et appels de vos voisins, vous découvrirez que l’exercice est plus que réussi. 

 

EN CONCERT 

le 19 Novembre 2019 – La Maroquinerie – Paris

Le 20 Novembre 2019 – Le Botanique, Belgique

 

TRACKLIST :

  1. Calm Down aka I Should Not Be Alone
  2. Evening Prayer aka Justice
  3. Transition From Nowhere to Nowhere
  4. Rated R Crusaders
  5. Trauma
  6. Thermometer
  7. I Wanna Be Your Girlfriend
  8. Blown
  9. My Teeth Hurt
  10. In America
  11. What Can You Do But Rock n Roll