Pour les habitués des techniques bruitistes de Merzbow, il y a dans ce cru 2019 une belle palette d’interventions qui font toujours la singularité du musicien japonais
Chaque année musicale amène son lot de production de la part du culte bruitiste japonais Masami Akita aka Merzbow. 2019 ne fait naturellement pas exception, et c’est Room40, déjà producteur sur Monoakuma l’année précédente, qui offre aux oreilles les plus solides ce Noise Mass. Ce dernier cherche à marquer doublement le coup, notamment en célébrant les quatre décennies d’existence de Merzbow avec un livret d’une vingtaine de pages, illustré de photos inédites de l’artiste augmenté d’un long entretien avec Lawrence English, musicien électronique à la tête de Room40. De même, l’album cherche, selon les dires de Masami Akita, à démontrer la continuité dans la production de Merzbow tout au long de sa carrière, en s’intéressant notamment à une période assez spécifique de son parcours : la fin des années 1990 où Merzbow, qui était jusque-là un projet plutôt confidentiel, devient une structure vivante et un être de performance. Cette transition naît de la rencontre avec Relapse Records, chez qui Masami Akita va sortir son célèbre Venereology, le premier d’une série dans ce label dédié principalement au metal, qui va lui permettre d’être massivement diffusé et connu, notamment aux USA.
Noise Massse se présente donc à la fois comme celui qui célèbre une carrière à la reconnaissance internationale et l’homogénéisation même de son évolution. Sur le plan musical, ce travail de nivellement passe donc par la reprise de la matière sonore élaborée dans les années 1990. De cette période, Akita retient son album Hole dont il retravaille le contenu pour ce dernier opus. On y retrouve les morceaux « Noisematrix » et « Kraft-Ebings Dick » déjà présents dans Hole, le premier augmenté d’une courte (un peu plus de cinq minutes) mais très efficace suite (« Noisematrix Pt.2 »), ainsi que deux « Voicematrix » qui semblent être l’apport principal de cette relecture des années 1990.
Pour les habitués des techniques bruitistes d’Akita, il y a là une belle palette d’interventions qui font la singularité du musicien japonais : les collages sonores, les instruments bricolés offrent une splendide masse noise de plus d’une heure, où les voix distordues se mêlent à des constructions mécaniques et sophistiquées qui laisse toujours aussi peu de répit à l’auditeur. De même, Akita est toujours aussi subtil dans sa manière de rendre cette masse informe très raffinée, avec notamment les variations brusques qui découpent à la fois les blocs sonores et les hiérarchisent. La désorientation délicate de l’auditeur n’est finalement que la contrepartie de cette stratégie d’empilement des différentes couches de bruit dans la durée.
On pourrait être négatif et affirmer, à raison, que Noise Mass n’est finalement que Hole augmenté. Mais si l’on se garde d’un jugement purement discographique, Noise Massapparaît comme un ensemble plutôt réussi, puisqu’il permet d’entendre autrement les productions de cette période charnière dans la carrière de Merzbow, tout en offrant une authentique expérience de ce derniersans distinguer l’homme de performance du musicien de studio.
Room40 – 2019
Tracklist :