Le super-trio garage nous offre une déflagration sonique capable d’ accélérer dangereusement la fonte de la calotte glaciaire.


Souvent cités comme probable source des beaux chiffres des audio-prothésistes en Californie ces dernières années, le super-groupe Flatworms fait beaucoup de bruit… que peu chez nous entendent. Avec un membre actif des Oh Sees et précédemment chez Ty Segall (Tim Hellman, basse), un autre qui bosse pour Kevin Morby et pour The Babies (Justin Sullivan, Batterie), et un leader dont le présent groupe est son projet principal (Will Ivy, Chant/ guitare), on s’attendait a plus de notoriété.

D’autant que, signé chez Castle Face Records (où d’autres ?), le premier album, éponyme, du trio, avait trouvé sa place sur notre platine lors d’un été particulièrement chaud, accentuant ainsi allègrement la quantité d’eau évaporé de nos corps, jamais lassés de s’agiter frénétiquement sur ces rythmiques diaboliques. Tendu dès la première plage, l’album atteignait son apogée sur le titre final, « Red Hot Sand », maelstrom de larsens accouchant d’une rythmique béton, peu raffinée, certes, mais avec un batteur acharné qui ne break quasiment pas, renforçant ainsi l’aspect hypnotique du morceau. L’antagonisme entre cette tempête mélodique et le phrasé désinvolte, las, de Will Ivy sur chaque morceau parachève la formule magique : rage et nonchalance.

Déjà sorti en 2019, le mini Into The Iris EP conserve la base tachycardique (l’excellente « Surreal New Year », qui fait péter les plombs, au propre comme au figuré) et y ajoute un peu de cool à la californienne, annonçant ainsi la suite ici présente, Antartica. Avec Steve Albini aux manettes et enregistré dans l’urgence (6 jours), Flat Worms propose pour autant plus de profondeur, sortant de son punk-garage-motorik pour approcher le post-punk, étalant les idées comme sur « The Aughts », sa guitare qui cisaille, ses multiples distorsions, « Market Forces », single évident (et mixé par Ty Segall) sur lequel le groupe semble s’éclater et remettant son bassiste à sa place, c’est-à-dire tout devant. Ainsi Tim Hellman sonne curieusement comme sur certains vieux Thee Oh Sees (il y en a tellement…), période… ou il n’était pas bassiste du groupe ! « Plasters Casts » propose donc une rythmique Kraut avec une basse qui pétarade magnifiquement, quand « Via » déroule une véritable merveille de tempo basse / batterie, sur lequel la guitare n’a plus qu’à danser sur une distorsion savamment dosée.

Si on aimait forcement la puissance du son garage du précédent pour ce qu’il procurait, c’est-à-dire un exutoire parfois un peu brouillon mais bigrement efficace (ceux qui les ont vu sur scène le savent), Antartica se targue de plus d’ambition, de variété, de concessions, peut-être, au gout du jour. Le travail sur les effets de guitare est énorme, tout comme les rythmiques. L’album ne souffre d’aucun temps faible tout le long de ses onze titres. Il sera difficile à défendre sur scène en ces temps incertains, certes, mais on peut espérer que, cloîtré chez lui et en manque de nouveauté, notre hôte accepte de se poser quelques instants sur Flat Worms, super-groupe qui n’attend que de le devenir.

 

God ? / Drag City – 2020

https://flatwormsmusic.bandcamp.com/

Tracklisting:

1 The Aughts

2. Plaster Casts

3. Market Forces

4. Antartica

5. Via

6. The Mine

7. Ripper One

8. Condo Colony

9. Signals

10. Wet Concrete

11. Terms Of Visitation