L’indie-pop de Katie von Schleicher emprunte de nouvelles profondeurs dans son second long-format.
En 2017, Shitty Hits faisait de Katie von Schleicher une musicienne à l’aise dans la confection d’une pop lo-fi fraîche et espiègle. Tellement à l’aise qu’elle pouvait alors se permettre de nommer avec une impudence ironique son premier album long-format de la sorte. On se plaisait à évoluer entre ses bricolages indie parfaitement maitrisés, dans la lignée de la scène de Brooklyn. Mais quelque chose nous murmurait que l’évolution de sa musique ne pouvait en rester là.
Trois années plus tard, l’artiste américaine nous présente son nouvel album comme très différent de ses créations antérieures. Un album dont le projet naquit suite au re-visionnage de Vertigo d’Hitchcock, en se basant sur le point de vue, fortement nié, du personnage féminin. Von Schleicher y voit alors une représentation cachée d’un abus. Serrant vraisemblablement dans ses bras ce personnage interprété par Kim Novak sur la pochette, elle s’offre alors un angle lui permettant d’aborder dans ses morceaux la thématique du traumatisme. Le résultat nous donne à écouter un album logiquement plus sombre et heurté. L’esthétique Lo-Fi est abandonnée au profit d’une production électrisante. Les titres montent graduellement en intensité, débutent assez timidement, en comparaison à l’aplomb instantanément léger de Shitty Hits. Cependant, dès le début, les paroles ne laissent aucun doute sur les profondeurs plus obscures que von Schleicher ne cessera de creuser jusqu’à la dernière piste de Consummation. « Je ne peux plus contenir ma rage » nous chante-elle ainsi dès sa première ballade « You Remind Me ».
© Shervin Lainez
L’album commence à sérieusement bourgeonner dans l’excursion romantique de « Nowhere », puis « Caged Sleep » déroule un hit à l’énergie communicative. Mais c’est avec « Loud », à mi-album, qu’il s’épanouit définitivement. Von Schleicher nous décroche ici un uppercut qui nous ravit. Bien qu’affirmant « I don’t want to let you in, I want to let you out », nous entrons avec le plus grand plaisir dans ce titre pop formidablement creusé dans la roche ravageuse d’un noise-rock abouti. Les addictives sonorités froides, l’évolution mélodique du morceau et le magnifique son de synthé de la toute fin prenant nos oreilles à rebours nous rappelle, sans complexe, certains morceaux de ses compères brooklynois de Grizzly Bear. Certes, on ne retrouvera plus ce niveau d’intensité dans le reste de l’opus, mais Katie von Schleicher valide tout de même avec succès le nouveau niveau d’intensité de sa musique, et son déplacement d’un territoire de l’indie pop à l’autre.
Full Time Hoby / Pias (2020)
Tracklist :
- You Remind Me
- Wheel
- Nowhere
- Caged Sleep
- Messenger
- Loud
- Strangest Thing
- Can You Help?
- Brutality
- Hammer
- Power
- Gross
- Nothing Lasts