Pétri par une esthétique cinégénique seventies et des textures trip hop, un premier album ambitieux signé par deux metteurs en sons français aux goûts bien affirmés.






Le duo français Staplin est apparemment amateur de synopsis, cela tombe bien nous aussi. Leur nom fait référence au personnage interprété par Bertrand Blier dans le cultissime Série Noire d’Alain Corneau, sorti en 1979. Blier y joue le patron de Patrick de Dewaere, inoubliable rôle principale qui sombre progressivement dans la folie. Avec un tel choix de patronyme, on se doute que pour les initiateurs de ce projet, Norman Langolff et Arno van Colen, le septième art occupe une place capitale. 

Ambitieux, ce premier album est à ranger, dixit ses géniteurs, dans la catégorie “BO imaginaire”. Non pas celle des bricolages façon Passengers (la fameuse collaboration U2/Eno), on reste plutôt dans l’esprit “French Touch”, avec trois références hexagonales aristocratiques fièrement assumées (du moins c’est notre sentiment) : le duo versaillais emblématique Air, qui a remis au goût du joue la BO surannée seventies ; et puis évidemment en remontant la filière, le Gainsbourg période dandy radieux, sous le soleil exactement ; et puis surtout, le compositeur François de Roubaix, qui a notamment réinventé l’esthétique du polar sur l’incontournable Le Samouraï – mais on pense aussi à son score pour Adieu l’ami, par son évidence pop très british (écoutez “Secret Silence”, mais on y revient plus loin). 

Admirateur de cette triplette prestigieux, Staplin ne plie pourtant pas sous le poids des influences, grâce à son talent hors-norme à superposer les sons, agencer les ambiances, qu’elles soient inquiétantes, lumineuses, ou parfois même les deux à la fois (il y a du Richard Swift dans le baroque “Harry Palmer”, inspiré de l’espion anglais incarné par Michael Caine). Deuxième point, plutôt que de rester dans un onirisme passéiste, Neon Shades ouvre une porte vers la modernité en insufflant à ses compositions des beats poisseux Trip Hop, lascifs et élégamment tordus (sous l’égide Portishead en somme). Et puis, au moment où on pensait cerner leur univers brumeux, Staplin opère dès la deuxième piste un virage à 180 degrés avec le festif « Let’s Go Crazy », qui aurait pour le coup pu s’incruster chez la fanfare indie The Go!Team, autres cadors du mille-feuille sonore. 

Autre façon de brouiller encore plus les pistes : collaborer avec différentes voix, féminines et masculines. Le duo a ainsi réuni des invités comme la multi-instrumentiste Halo Maud (Moodoid, Melody’s Echo Chamber), la chanteuse rétro californienne April March, les chanteurs Sacha Sieff et  Mark Kerr (du duo electro Maestro), certains crédités comme co-compositeurs. Un casting chic, qui prend cependant grand soin d’éviter un concept à la Nouvelle Vague. Et on les en remercie pour ça. Car Neon Shades explore d’autres pistes plus aventureuses et ne se contente pas de recycler de vieux tubes, en nous faisant littéralement voyager. Tel “Celluloïd” qui remonte le temps dans le Londres sixties, imaginant Gainsbourg en plein trip acid dans un club de Soho. La nuit se prolonge ensuite avec “Mother Midnight” (référence à « Sister Midnight » d’Iggy?) et ses claviers synthétique évoquant irrémédiablement certains thèmes seventies de François de Roubaix. 

Puis on remonte dans le temps avec “From the Fire”, chanté par Halo Maud, cirro-cumulus flottant dans les cieux de la dream pop, non loin d’un “Asleep From Day”, inoubliable signée Hope Sandoval et les Chemical Bros. Enfin, on y revient sur la pièce de résistance de ce disque, Secret Silence, incroyable pièce montée mêlant audacieusement guitares fuzz et orchestrations de cordes tournoyantes. Magistral. Pour un premier album onirique, Staplin vient littéralement de crever l’oreiller. Trop fort.

Velvetica Music – 2020

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Tracklist :

A1. Starlight (feat. Halo Maud)

A2. Let’s Go Crazy

A3. The Mass (feat. Sacha Sieff)

A4. The Neon Shade

A5. Androïd Dreams

A6. From the Fire (feat. Halo Maud)

B1. Mother Midnight (feat. Halo Maud)

B2. Epsilon (feat. Mark Kerr)

B3. Secret Silence

B4. Celluloïd (feat. April March)

B5. Harry Palmer

B6. Tuco