Le duo Matt Sweeney – Will Oldham retrouve ses marques 16 ans après leur première collaboration.

Alors que l’on pouvait s’attendre à une sortie discographique compilant les multiples reprises égrenées ces derniers mois par le frénétique duo Oldham Callahan, c’est finalement une ancienne collaboration de 2005 entre Will Oldham aka Bonnie ‘Prince’ Billy le barbu de Louisville et Matt Sweeney l’ex guitariste New-Yorkais de Chavez qui est réactivée. 

Cette idéale réunion de folk alternative entre deux artistes complémentaires est de la trempe des bons crus du grand Bill ou de son copain Bonnie. Annoncée et sortie dans un relatif anonymat, cette collaboration a pourtant mobilisé les protagonistes sur une période de cinq années. Superwolves est l’acte 2 (et non la suite d’un nanar horrifique) du projet «Superwolf » concrétisé voilà déjà 16 années, via Drag City, œuvre qui fut à l’initiative de Will Oldham, principalement pour libérer Sweeney d’une grosse insatisfaction (sa participation au très dispensable super groupe de Billy Corgan Zwan) et à sa volonté de passer à autre chose.
Superwolf, projet impulsif et sincère, a prestement atteint le statut d’œuvre majeur et culte dans la pléthorique discographie de ses auteurs. L’écoute de Superwolf nous a pleinement enivrée. Les déambulations folk et country du duo dégageaient alors un vrai magnétisme comme une lente combustion musicale sans fioritures.

Aujourd’hui (16 ans plus tard) le contexte n’est évidemment plus le même, les deux songwriters américains ont évolué professionnellement et dans leur vie familiale, l’atmosphère musicale moins aride est aujourd’hui plus chaleureuse et conviviale. Le process de travail a pourtant été reproduit à l’identique : les paroles de Oldham d’un côté, la musique composé par Sweeney de l’autre, puis un retour en commun pour amalgamer le tout.

En dépit de la longue période de silence entre les retrouvailles, la rencontre éphémère de ces deux musiciens demeure invariablement productive. Leurs nouvelles compositions magnifient les accords de guitare du maestro Sweeney, son subtil picking fait des merveilles, le chant de Oldham légèrement désabusé et triste ou plus dynamique colle merveilleusement à ces vignettes folk. Les textes de l’auteur I See A Darkness (1999) racontent mille histoires. Sur une large majorité de cet opus on n’y entend que la guitare de Sweeney et le chant de Will Oldham, ces moments privilégiés sans percussion mettent en valeur l’écriture et la qualité des morceaux. Exemple : sur la splendide reprise country des Gosdin Brothers « There Must Be a Someone » hantée par un écho lointain de chant parlé ou sur le tendre et superbe « My Popsicle ».

On peut aussi capter du folk semblant tout droit extrait du répertoire traditionnel britannique sur « I Am a Youth Inclined to Ramble ». Certaines de leurs ballades sont même très accessibles (elles pourraient plaire à toute la famille !) : le délicat « My Blue Suit » s’enchaine au feutré « My Body Is My Own » ou à l’exceptionnel mais un chouia plus rêche « You Can Regret What You Have Done ». Ces calmes vignettes irradient cet album et notamment sa deuxième partie. Se glissent aussi dans cette suite placide d’autres instants plus électriques et bouillonnants : « Make Worry for Me », le premier titre de cet album qui comblera les afficionados des moments sombres, psychédéliques et électriques du duo. Une claire montée de tension sur de belles partitions de guitares.

En 2017, Sweeney a été la caution rock des maitres du blues malien Tinarwen sur l’album Elwan. En échange de bon procédé, les musiciens américains ont aujourd’hui convié le guitariste et chanteur Touareg Mdou Moctar (auteur d’un récent Afrique Victime) accompagné de ses comparses Mike Coltun, Souleyman Ibrahim et Ahmoudou Madassane. Tout ce beau monde accélère sévèrement le tempo sur un enflammé « Hall of Death » à mi-chemin entre la chanson traditionnelle country folk et celle estampillée blues du désert africain. Ces influences africaines se diffusent encore dans la conclusion « Not Fooling », plus sombre et menaçante.

Pour conclure, tout connaisseur de l’oeuvre de Bonnie Prince trouvera immanquablement sur cette nouvelle production un moment de pure délectation.

Drag City – Domino Records – 2021

https://mattsweeneybonnieprincebilly.bandcamp.com/album/superwolves

Tracklisting :

  1. Make Worry For Me
  2. Good To My Girls
  3. God Is Waiting
  4. Hall Of Death
  5. Shorty’s Ark
  6. I Am A Youth Inclined To Ramble
  7. My Popsicle
  8. Watch What Happens
  9. Resist The Urge
  10. There Must Be A Someone
  11. My Blue Suit
  12. My Body Is My Own
  13. You Can Regret What You Have Done
  14. Not Fooling