Le vétéran Dean Wareham (Galaxie 500, Luna) excelle plus que jamais dans l’art de composer d’épatants et intemporels morceaux.


C’est à l’âge de 14 ans que Dean Wareham natif de Wellington (NZ)  – aujourd’hui âgé de 58 printemps – découvre la Big Apple. Diplômé d’Harvard il sympathise avec Naomi Yang et Damon Krukowski avec lesquels il élabore sous l’entité Galaxie 500 une poignée d’enregistrements dont les influents Today (1988) et On Fire (1991). Suivra la brillante saga Luna (1991-2005), «velvétienne» à souhait et marquée par un cycle rupture – reformation, 7 albums studios et l’intégration en 2000 de sa future épouse et bassiste Britta Phillips.

New-Yorkais de longue date, Dean et Britta déménagent finalement à Los Angeles en 2013. C’est par leurs biais sur l’éclectique Dean & Britta’s Quarantine Tapes – collection intimiste de reprises et fruit de leur confinement de 2020, que l’on gardait la dernière trace de l’élégant jeu de guitare de Dean Wareham

Sept années séparent ce 3ème LP en solo de son éponyme précédent. Produit à nouveau par Jason Quever (Cass McCombs, Beach House), structuré sur six compositions originales et deux reprises (une spécialité prisée de Wareham), I Have Nothing To Say To The Mayor Of LA sent bon la révolte citoyenne.
A contrario, sa musicalité s’avère être un baume chaleureux, un intervalle tout en velours – décontracté et tranquille, un moment privilégié construit sur dix chansons arrangées avec simplicité. Les textures sonores familières et l’orchestration claire et juste regorgent de textes truffés de références littéraires, artistiques, politiques ou personnelles. Le musicien multi-instrumentiste et producteur Jason Quever  (déjà acteur sur Emancipated Hearts son premier album de 2013) et le batteur Roger Brogan, accompagnent le compositeur/guitariste, toujours épaulé par sa femme Britta. Ce petit comité a clairement fait le job, et produit pour l’occasion, une collection de chansons efficaces et quasi intemporelles. La voix de Dean Wareham toujours aussi familière et émouvante, et les arrangements de guitares, suffisent clairement à notre bonheur.

La réussite de cette nouvelle entreprise outre la qualité des compositions tient donc aux nombreuses références littéraires et biographiques qui abondent. L’épuré « Red Hollywood » par exemple, où la voix chuchotée et tremblante de Wareham est rythmée par un beat métronomique paresseux. Wareham y pointe les dérives du maccarthysme dans l’industrie du cinéma américain des années 1950 subies par l’acteur John Garfield qui mèneront à son suicide à l’âge de 39 ans. Autre triste épisode : celui du destin tragique d’Eleanor Marx (dernière fille du penseur révolutionnaire et socialiste Karl Marx) narré sur le mélancolique « The Last Word » et serti de belles séquences de guitares.
Wareham a particulièrement soigné sa voix et les séquences d’accords de guitares tout le long de cet album. Un vrai régal !

D’autres compositions séduisent tout autant. « The Past is Our Plaything » première romance de cet album évoque fortement son passé au sein de Luna. « Cashing In » coche lui aussi toutes les cases. Sur une allure fringante, son sujet explore sur un ton lucide et un brin ironique les relations de Wareham avec l’industrie de la musique. Tout aussi sémillant « Robin & Richard » semble extrait d’un album solo de Robert Forster.

Wareham est un as des covers. Le confinement nous la rappelé. Deux reprises s’enchainent et se fondent merveilleusement bien à ses compositions originales. « Under Skys », à l’origine écrite par un obscur combo rock de Massachusetts des années 60 Lazy Smoke où s’étire une plage instrumentale de guitares légèrement plus débridées qu’à l’accoutumé, puis « Duchess », reprise de l’immense Scott Walker, extraite de Scott 4 ; elle rappelle par instant les effluves sonores rêveurs de Mazzy Star, l’interprétation qu’en fait Dean Wareham est parfaite.

La conclusion « Why Are We in Vietnam? » révèle quelques ardeurs psychédéliques plus marquées ; normal, le propos est plus politique, et musicalement on est à la croisée des chemins : entre ses influences (le Velvet Underground) et son passé (Galaxie 500).

Double Feature Records – 2021

https://deanwareham.com/home

https://www.facebook.com/DeanWareham

Tracklisting :

  1. The Past Is Our Plaything
  2. Cashing In
  3. The Last Word
  4. Robin & Richard
  5. The Corridors Of Power
  6. As Much As It Was Worth
  7. Under Skys
  8. Red Hollywood
  9. Duchess
  10. Why Are We In Vietnam