Bien qu’imprégné par les doutes du confinement, le deuxième album quintet post-punk dublinois étend son champs d’action, expérimental et mélodique.


On se demande bien ce qu’aurait pensé le regretté Mark E. Smith de cette relève rock britonne, tous ces Yard Act, Squid et autres Silverbacks qui lui doivent tant. Souvenez-vous, ils n’étaient pas si nombreux voilà encore quatre ans à se revendiquer du rock verbeux et dissonant de The Fall. Désormais, toute jeune formation post-punk dans le vent se doit de danser sur les cendres du groupe du caractériel mancunien à la gouaille sans pareil.

Le premier album des dublinois Silverbacks, paru durant l’été 2020, ne manquait pas de nous donner des couleurs (sa pochette en premier lieu) dans une période indécise d’entre-deux confinement : le quintet mené par les frères O’Kelly avait parfaitement assimilé les codes du post-punk strident avec leurs guitares épileptiques, tout en y impulsant un groove dansant ciglé New York (Liquid Liquid, Bush tetras, LCD Soundsystem and co), mouvance dans lequel Squid s’est également engouffré. Toutefois, à la différence des londoniens signés sur Warp, Silverbacks possède un joker non négligeable : la bassiste Emma Hanlon, dont les choeurs mélodieux, en renfort de Daniel O’Kelly,  insufflent indéniablement une chaleur bienvenue à leurs compositions atonales. Bonne nouvelle, sa présence s’est accrue sur ce deuxième opus, où elle apporte une sensibilité pop bienvenue sur  “I’m Wild” ou encore des choeurs surprenant en français sur « Archive Material » (“il s’entend pas”).

Contrairement à ce que sous-entend son titre, Archive Material ne contient que du nouveau matériel. Onze pistes (dix si l’on omet l’instrumental minimaliste « Carshade » au piano Rhodes) enregistrées aux Sonic Studios de Dublin en novembre 2020, avec le producteur Daniel Fox, déjà derrière la console sur Fad. Première impression, on perd un peu en urgence ce qu’on gagne en expérimentations et en mélodies. La première piste, qui donne son titre à l’album, est un rally tout terrain imprévisible, truffé de contrepieds rythmiques, de faux départs et de mélodies tortueuses. Forcément, le côté frondeur et live des débuts s’en ressent, mais les choeurs compensent ce déficit, notamment sur l’irrésistible “A Job Worth Listening”, ou encore “Wear My Medals” où la voix angélique d’Emma Hanlon scintille en plein chaos électrique. “Central Tones”, doté peut-être du refrain le plus évident du disque, réussit une greffe avec la nervosité des guitares torsadées et étriquées du premier album. “Rodolex City” et “They Were Never Our People” s’inscrivent davantage dans la débraille mancunienne façon The Fall.  

Archive Material est un journal du confinement pour le chanteur et parolier Daniel O’Kelly. Plusieurs compositions évoquent cette période pandémique à travers divers angles sociétaux, comme sur le groovy et très LCD Soundsystem  « Different Kind Of Holiday » inspiré par la façon dont des voisins auparavant peu communicatifs ont tissé des liens de solidarité entre eux. Ou encore “A Job Worth Listening”, qui évoque le sentiment de culpabilité du chanteur et guitariste, ancien employé dans les assurances tranquillement confiné chez lui, alors que sa sœur infirmière traitait des patients dans un service d’urgence du COVID. En ce sens, Archive Material, est bien plus qu’une confirmation, c’est une oeuvre parfaitement en phase avec son temps.

Full Time Hobby – 2022

https://silverbacksband.com/

Tracklisting :

1. Archive Material
2. A Job Worth Something
3. Wear My Medals
3. They Were Never Our People
4. Rolodex City
5. Different Kind of Holiday
6. Carshade
7. Central Tones
8. Recycle Culture
9. Econymo
10. Nothing To Write Home About
11. I’m Wild