La folkeuse américaine réduit la voilure et gagne en émotion sur son son sixième LP, une splendeur de country alternative.
Angel Olsen varie les plaisirs. Sa récente discographie l’atteste. Elle peut nous promener du passionnel et orchestral All Mirrors – remarquable apothéose en 2019 – à son négatif l’acoustique et plus lo-fi Whole New Mess un an plus tard. Ou plus récemment, en publiant Aisles (un EP de covers des années 80 au choix douteux, mais pourquoi pas !), hélas réinterprétées sans originalité. Elle se penchera ensuite avec plus de bonheur sur le répertoire de la mythique folkeuse Karen Dalton (Angel Olsen Plays Karen Dalton) et s’associera également avec la musicienne américaine Sharon Van Etten pour un convainquant duo « Like I Used To ».
La découverte de Big Time sixième opus de la compositrice du Missouri est une surprise enchanteresse. Olsen à réduit la voilure, elle est dorénavant aux antipodes du chargé All Mirrors. Le mur du son qu’avait construit la musicienne (aussi majestueux fût-il) avec son producteur, l’esthète californien Jonathan Wilson, est ici invisible. Son timbre de voix ample n’est plus aussi appuyé et mis en avant, Big Time pourtant riche d’une orchestration remarquable (cor, orgue, violon, violoncelle, cuivre…) est parcouru par la mélancolie posée de la musicienne et le choix d’options musicales distillées avec finesse et sobriété. Ce choix artistique est en lien direct avec sa nouvelle situation personnelle. Angel Olsen a rencontré l’amour, déclaré dans la foulée à ses parents en 2021 son homosexualité, pour ensuite affronter le décès de son père quinze jours après ce coming-out et celui de sa mère trois mois plus tard. Ce nouvel LP issu de cette période de forte remise en question et d’une perte d’être chère ne pouvait être que singulier.
Ce nouveau regard intérieur séduit pleinement. On y découvre un folk élégiaque aux sonorités de country alternative et d’américana. L’auteure-compositrice-interprète américaine de 35 ans captive pleinement en enchaînant les balades voluptueuses sans faute de goût ni baisse d’inspiration. Son timbre de voix atout incomparable se fond admirablement aux mélodies. Le clavier est remisé au profit du synthé, le piano est discret, l’instrumentation (orgue, guitares,…) est souvent clairsemée. Certaines compositions (« Go Home », « Right Now ») affichent néanmoins quelques réminiscences d’emphases – retombée de son dernier opus. Mais la norme est à la mélopée intimiste : « Through The Fires » aurait pu être interprété par la regrettée Julie Cruise, l’intro de « This Is How It Works » rappelle les climats primitifs récents de Lael Neale et de son omnichord, les harmonies se dissipant ensuite dans une belle séquence country. La pedal steel guitare de Spencer Cullum attise périodiquement la mélancolie en harmonie avec le timbre de voix pure et posé d’Olsen.
Ces accords de guitares slide country s’écoutent tout aussi agréablement sur le plus classique « Big Time ». « Ghost On » est un autre sommet introspectif et minimaliste.
Le dernier épisode est tout aussi captivant : ballade intime et sublime « Chasing The Sun » clôt le voyage personnel d’une jeune musicienne à son apogée.