Le 8ème et tout récent album des légendaires lutins de Boston aligne les bonnes compos. On est ravi !
Posez la question à un musicien établi (le leader des Pixies par exemple) et il vous assurera immanquablement que son dernier opus est le meilleur qu’il a jamais composé. La rengaine se vérifie encore aujourd’hui. Mais comment en vouloir à Charles Michael Kittridge Thompson IV et tous ses alias ? Sa 1ère vie musicale de 1987 à 1991 est juste mémorable. Fantasques, pionniers du rock indé ou de l’alt-rock, novateurs (le grunge leur doit beaucoup) ils ont su être tout à la fois sauvages et harmonieux. Pour la suite on peut discuter : la série prolifique d’albums en solo de Francis sous ses divers patronymes côtoie l’excellence et le plus anecdotique.
Doggerel, le tout nouveau Pixies trois années après Beneath The Eyrie, alimente leur deuxième vie (quatre albums maintenant depuis leur reformation). Ce second cycle bien trop conventionnel et le plus pâlot de toute la discographie de Frankie va-t-il enfin nous embraser et raviver la flamme ? Car la nouveauté musicale émanant de la planète Pixies on y revient gaillardement en souvenir du passé, mais aussi car le Black et ses acolytes (Joey Santiago, David Lovering et Paz Lenchantin) semblent toujours aussi vert.
L’immersion dans la planète doggerel est idéale : l’inaugural « Nomatterday » affiche un gros son, un groove énorme, des influences post-punk dans son intro (où Charles y déclame : « Don’t waist your time on me » et des ruptures dans la dynamique du rythme. Une entame sonore polyédrique pleinement convaincante à l’image un peu loin du direct et franc plaisir pixisien « You’re Such a Sadducee » qui débute par des chœurs fantasmagoriques pour développer ensuite sa puissance symphonique à bride abattue.
Les musiciens appliqués sont en forme olympique. Le producteur Tom Dalgety bonifie tout ce travail collectif. Les parties de guitares sont notables. Introduit sur une ligne de basse funk l’éponyme et dernier morceau est à ce titre spectaculaire et offre une conclusion idéale. Les paroles sur ce 8ème opus sont de temps à autres bizarroïdes (ou surréaliste c’est selon !), Thomson y injecte également quelques références musicales (une Battle entre Van Halen et Neil Young via les Kinks!), un chouia de SF et quelques références littéraires.
La formation laisse aussi entrevoir un versant pop, moins foutraque et un chouia plus sophistiqué, certaines compositions flirtant avec l’americana ou le folk rock. « There’s A Moon On », « Dregs of the Wine » (composé par Santiago, une première pour le guitariste) ne sont pas encore à classer dans cette catégorie – elles drainent encore beaucoup d’énergie.
L’hyper cool « Pagan Man », « Vault Of Heaven » et l’immédiat « Who’s More Sorry Now » privilégient la mélodie et s’apprécient sur un tempo relax et pop. Dans la même catégorie, « Haunted House » et ses influences fifties laissent échapper des sonorités de claviers en mode 5ème dimension (Twlilight Zone) à la « Velouria ». La deuxième moitié de Doggerel est un sans-faute. « The Lord Has Come Back Today » porte d’entrée de cette ultime plaisir pointe une nouvelle fois le jeu de guitare accompli de Santiago et la finesse des chorus de Lenchantin quant au plus folk et semi-acoustique «Thunder & Lightning», il regagne paradoxalement de la puissance et puise sa force dans l’immédiateté de son refrain et l’étrangeté de ses paroles.
Une chose est certaine : Doggerel procure l’irrésistible envie de revoir le quatuor sur scène ; beaucoup pour découvrir leurs nouvelles chansons et un peu… (beaucoup !) pour réécouter leurs classiques d’antan.
BMG / 2022
Tracklisting :
- Nomatterday
- Vault of Heaven
- Dregs of the Wine
- Haunted House
- Get Simulated
- The Lord Has Come Back Today
- Thunder and Lightning
- There’s A Moon On
- Pagan Man
- Who’s More Sorry Now?
- You’re Such A Sadducee
- Doggerel