Près de cinquante ans après leurs débuts, les vénérables Néerlandais poursuivent l’exploration introspective de leurs souvenirs.
Exemplaire et dévoué à leur art, l’inséparable et familier trio néerlandais achève avec classe sa trilogie existentielle amorcée en 2017 avec l’album Angst.
Les Nits ne se projettent plus, c’est l’apanage de leur grand âge (le groupe a été fondé en 1974 à Amsterdam) mais à contrario évoquent leur passé. Neon est une exploration et une sélection d’instantanées sortis de la psyché et des rêveries du chanteur et parolier Henk Hofstede. Leurs pérégrinations musicales flirtent aujourd’hui avec l’expérimental ou l’art pop. Les Nits s’éloignent donc petit à petit et semble-t-il irrémédiablement des canons pop qui ont fait leur renommée européenne. Les marqueurs indélébiles de leur glorieux passé (au hasard les emblématiques Nescio ou In the Dutch Mountains) ont vécu. Tout est plus déstructuré ou fuyant.
Les premières écoutes achevées on est avant tout imprégné par l’atmosphère générale de l’album que par les chansons dans leurs individualités. Mais illico on rétabli la connexion. Issues d’improvisations en studio, comme à leurs habitudes maintenant, les compositions forment un climat musical général placide, les respirations au sein de chaque morceau sont légions et l’orchestration est éparse ; le tout produit son effet… apaisant. On redécouvre alors clairement l’expertise des musiciens et plus particulièrement celle de l’excellentissime batteur Rob Kloet. La cohérence musicale de l’ensemble est en tout cas remarquable
Mais tout débute en « trompe l’œil », avec le sémillant « Sunday Painter » qui affiche sa belle dynamique aux claviers et percussions ; suivra « The Ghost Ranch » dernier et 3ème single en date, avec ses belles harmonies on reste dans du classique Nits, les arrangements sont élaborés et fort d’une instrumentation riche, Hofstede et Jan Stips y partagent le chant, il y est aussi question dans les textes de Joni (Mitchell), de la peintre américaine Georgia O’Keeffe, du désert et de New York. À ce stade les structures des compositions n’ont pas volé en éclat et restent compactes. « Shadow Letter » sera aussi de cet acabit.
Hofstede & Co font référence aux années 50 et 60 : des images de leur prime jeunesse et des bribes de souvenirs marquants sont injectés dans les paroles énigmatiques de Hofstede, que l’on subodore un chouia nostalgiques et mélancoliques (on le ressent à l’humeur musicale de certains titres) notamment sur le minimaliste et trop court « Peugeot 504 » où l’on imagine Henk passager de la fameuse 11 CV (et sûrement pas d’une Tesla !) divagant et rêvant à travers la campagne néerlandaise au son des synthétiseurs Moog. Les Nits travaillent et insistent sur les textures sonores qu’ils cisèlent adroitement et sobrement de leurs instruments (« Beromünster »).
« Spoken », « Tremolo » et l’instrumental « Neon » sont les plus avant-gardistes et dépouillés de cette nouvelle sélection. Avec le magnifique « Lina Bo Bardi » on gagne en ampleur (symphonique) et surtout – on siffle en hommage à cette architecte du mouvement moderne.
C’est à l’implication et la durée que l’on reconnait les passionnés. Après l’incendie au mois de mai dernier qui a définitivement détruit leur propre studio The Werf (instruments compris) les Nits auraient pu jeter l’éponge ou sérieusement accuser le coup. Grâce à la générosité d’une campagne collaborative ils ont su repartir en virée pour notre plus grande joie. Neon est aujourd’hui fêté comme il se doit.
Werf Records – 2022
https://www.facebook.com/nits.nl/
Tracklisting :
- Sunday Painter
- The Ghost Ranch
- Spoken
- Beromünster
- Peninsula
- Lina Bo Bardi
- Neon
- Tremolo
- Shadow Letter
- Peugeot 504
- Mantelpiece
- When A Tree
- The Weaver