Brillant et consistant 3e opus pour le quatuor pop/post-punk de Melbourne RVG.  


On subodore la guitariste et compositrice Romy Vager de s’investir pleinement au sein de sa formation australienne RVG. Ses compositions n’ont jamais prôné la neutralité et les nouvelles que l’on découvre sur leur tout récent 3e opus n’échappent pas à ce postulat. Ancré dans la réalité (et sa réalité), sombre, engagé émotionnellement leur rock est aujourd’hui judicieusement additionné de synthétiseurs et de claviers (inspirés de loin par ceux du maitre du cinéma d’horreur et d’anticipation John Carpenter dixit le guitariste Reuben Bloxham). Le résultat reste tout aussi percutant et qui plus est serti d’éclatants arrangements. A l’opposé d’une fadasse synthé-pop Brain Worms exalte même un lyrisme véhément et de la rage contenue. 

Depuis 2017, date de sortie de leur premier opus A Quality of Mercy, les choses ont bien vite évolué pour la formation Aussie. La sortie de Feral leur deuxième LP en 2019 a été précédé par une période exténuante pour la musicienne. Prise dans la nasse des tournées incessantes sa santé mentale s’est fragilisée. La vague Covid-19 a alors déferlé et le confinement (1 mois après la publication de Feral) leurs ont alors paradoxalement permis de se refaire la santé.

Les batteries rechargées et libres de circuler, les musiciens ont alors décidé de changer quelque peu leur modus operandi. Vager a trouvé du temps et donc pris plus de plaisir à composer de nouvelles chansons. Pour enregistrer, la formation s’est expatriée à Londres dans les locaux du Snap Studio sous l’égide du producteur James Trevascus (Nick Cave & Warren Ellis, The Goon Sax). Romy Vager a ainsi pleinement profité des structures du studio (elle a par exemple emprunté la guitare Gibson acoustique usitée par Kate Bush dans ce même studio) et de l’environnement de la City (certains textes ont été écrits à la fraîche dans les verdoyants parcs londoniens). 

Affirmation de soi face à l’absurdité et la méchanceté ; relations et déceptions amoureuses ; thème fantasmagorique via une créature de l’océan (le puissant « Squid ») ; hallucination avec un tueur en série et son serpent enroulé autour du cou (« Giant Snake ») ; enfoncement complaisant dans les dérives complotistes et isolement social (« Brain Worms ») ; revendications sociétales (inaction du gouvernement australien face aux feux géants de 2019 et 2020 en Australie « Midnight Sun ») ; thème post-covid (« Tambourine ») illustré par la cruauté d’assister virtuellement à un enterrement d’un être proche via Google chrome ; toutes ces mélodies captivantes, acérées, profondes ou poignantes ont beaucoup à nous proposer.

Musicalement elles sont aussi plus lourdes, certaines comme « Brain Worms » affichant même fièrement de belles distorsions de guitares, une première pour RVG. Le synthé associé apporte judicieusement sa touche synthétique et new-wave – flagrant sur l’obsédant « Nothing Really Changes ».

RVG, via son auteure-compositrice et chanteuse, est une formation bien ancrée dans les problématiques de son temps. Romy Vager possède une vrai aptitude pour composer des mélodies efficaces naviguant avec la même réussite entre les tempos soft ou plus saturés. On revient régulièrement (à titre personnel) aux Go-Betweens, mais l’Australie regorge aujourd’hui d’un vivier conséquent de formations, preuve en est encore avec les Melbourniens de RVG.

Fire Records / 2023

https://rvgband.bandcamp.com/music

Tracklisting :

  1. Common Ground
  2. Midnight Sun
  3. It’s Not Easy
  4. Tambourine
  5. Brain Worms
  6. You’re The Reason
  7. Squid
  8. Giant Snake
  9. Nothing Really Changes
  10. Tropic Of Cancer