Les cinq rockers angevins s’offrent une sortie cinq étoiles pour leur troisime et ultime album. 


Difficile de ne pas éprouver une immense frustration suite à l’écoute de cet album posthume des angevins LANE (Love And Noise Experiment). Après seulement trois ans d’existence, deux albums et un EP, la formation composée de membres des vénérés héros Thugs et Daria, annonçait en décembre 2021 leur séparation par un communiqué aussi bref qu’inattendu, mais sans animosité. Pictures of a Century, deuxième album paru en 2020, formidable concentré de ferveur électrique, avait complètement assis le groupe dans le paysage rock hexagonal, voire en tête du peloton du tour de France rock alternatif.

De fait, on ne s’attendait franchement pas à ce que les fratries Sourice et Belin se déclare en « liquidation personnelle”. Il n’existe jamais une seule raison pour qu’un groupe jette l’éponge – même aussi prématurément -, mais on ne doute pas que la période du Covid-19 n’a pas arrangé les choses au sein du quintet à trois guitares constitué des frères Sourice, Pierre-Yves (basse) et Éric (guitare et chant), ex Thugs, ainsi que des frères Belin, Étienne (guitare) et Camille (batterie), ex Daria, et enfin le petit dernier, Félix Sourice (guitare), fils de Pierre-Yves. 

Immense frustration, donc, car ce troisième album, Where Things Were (« Là où les choses en étaient ») n’a rien d’anecdotique et se hisse à la hauteur de ses prédécesseurs. Et donc remue un peu plus profondément le couteau dans la plaie à l’idée que le quintet avait encore de grandes choses à dire, voire à composer. Peu avant la dissolution, le quintette s’était attelé dans leur local à la pré production de leur troisième album. Les dix morceaux sélectionnés sur Where things were sont tirés de ces sessions d’enregistrements, mixées par le batteur Camille Belin, déjà aux fourneaux sur leur premier EP 4-titres  Teaching Not to Pray, et A Shiny Day, leur premier album. De fait, la production n’est pas optimale, certaines idées ne sont pas finalisées (notamment deux instrumentaux), mais on serait tenté de dire que ce n’est pas plus mal, tant l’urgence est formidablement captée. Et c’est l’essentiel. Après tout, si c’est trop parfait, et bien ce n’est pas du rock.

On y retrouve cette fougue fugazienne, et bien sûr les états de service glorieux de ses membres, ces guitares sales et tranchantes, parfois étrangement mélancoliques, toujours mis en relief par des mélodies soignées et un chant sur le fil. « Nice Shot », qui ouvre les hostilités, porte bien son nom : droit au but, un riff fantastique boosté par une rythmique infernale. Si l’album tient à ce rythme là jusqu’au bout, on se dit que cet enterrement va se faire en grande pompe. Et c’est le cas. Les trois bombes suivantes ne lâchent rien, « Sunday Night », « Vermillion » et « Blue Mountains ». Plus loin, la ligne de basse monstrueuse de « Shame » pilonne notre cerveau, obsédante, on en redemande. Une autre bombe, mais à fragmentation, nous attend ensuite, la bien nommé “Chernobyl”, un instrumental qui tire sur près de neuf minutes, alternant accalmie post-rock/shoegaze subtilement amenée et déflagration supersonique. On ignore si des paroles étaient envisagées au départ sur ce titre, mais l’affaire fonctionne parfaitement. Chose moins évidente sur le deuxième instrumental, « Charlie Brown », plus court et frénétique, le chant d’Eric Spourice n’aurait pas démérité dessus.

En fin de parcours, la colère se fait plus mélancolique avec un superbe « Elliott Bay » qui prend une raideur à la Joy Division, dans une veine martiale. Enfin « Deadly Kiss », qui clôt définitivement l’histoire sur une note plus atmosphérique sur fond d’arpèges claires, permettant à Love And Noise Experiment de tirer sa révérence avec panache.

A la fin, il ne reste que de l’amour, et du bruit. Mais quel bruit ! Merci pour tout et bonne route !

https://nineteensomething.bandcamp.com/album/where-things-were

https://nineteensomething.fr/

Tracklisting : 

1. Nice Shot 01:46
2. Sunday Night 03:46
3. Vermilion 03:29
4. Blue Montains 02:53
5. Tchernobyl 08:59
6. Shame 02:04
7. Charlie Brown 03:09
8. Painted White 03:03
9. Eliott Bay 04:37
10. Deadly Kiss 04:08