La musicienne londonienne propose une recherche sonore sur la vie urbaine qui s’immobilise et s’engourdit.


Le dernier album de la compositrice anglaise Kate Carr s’inscrit dans une longue généalogie des rapports d’attraction et de répulsion entre la ville moderne, industrialisée, urbanisée et l’artiste, où la fascination pour la rapidité, le dynamisme et l’énergie s’accompagnent souvent du sentiment d’isolement et de solitude au sein du chaos des grands métropoles. Avec Fever Dreams, Carr choisit ainsi de partir en observation du bruit étouffé et cloîtré de sa ville, Londres, durant, comme elle l’affirme « les hivers infinis, enfermés et noirs« . Et de proposer en quelque sorte une recherche sonore sur la vie urbaine qui s’immobilise et s’engourdit, tout en scrutant son mutisme et ses environnements souterrains. En ce sens, les genres ambient et field recordings dans lesquels elle excelle permettent, par la large place qu’ils laissent à l’imagination et à l’évocation, de proposer un traitement unique de ces affects qui traversent le genre humain en isolement, et où le temps est suspendu. La musicienne articule les moments de silence avec des bruits succincts ; des nappes lourdes et caverneuses laissent résonner des espaces vides (« Sulfuric Haze ») ; aux des bourdonnements et battements s’ajoutent des sons de machineries (« Disassembling »), de même que des chants liturgiques désarticulés (« A Remora on the Underside of a Manta Ray », « Planktonic Clouds »). Expérience courte et dense, Fever Dreams de Carr est une belle tentative d’extraire le fracas sourd de la ville et son bourdonnement intérieur en chacun, avec l’inquiétude mais aussi l’éblouissement qui l’accompagnent. 

Mana – 2023

Tracklist :

  1. Sulfuric Haze (2:40)
  2. Disassembling (9:27)
  3. A Remora on the Underside of a Manta Ray (3:42)
  4. Vast Wings Oscillating (8:26)
  5. Swimming in a Spiral (2:18)
  6. Planktonic Clouds (4:03)
  7. And in that Silence I Found a Clue (1:58)