L’ancien prodigieux guitariste de The Coral, Bill Ryder-Jones, nous gratifie de son LP le plus audacieux.
Au premier abord, l’ex The Coral Bill Ryder-Jones positive un maximum : un speech amical de bienvenue que l’on pratique avant chaque pinte dans tous les bons pubs gallois (Iechyd Da [jæki da] santé en gallois), et la peinture d’un village écossais coloré et accueillant en guise de visuel pour sa pochette. Une hospitalité de bon aloi qui nous donne du baume au cœur et nous conduit dans les dédales de son plantureux et probant 5ème LP.
Mais derrière cette convivialité de façade se camouflent des douleurs (intense chagrin d’une séparation), de la noirceur (dépression) et un désordre mental (agoraphobie persistante, perte d’attention soignée par de la marijuana). Bill Ryder-Jones affiche donc beaucoup de fragilité et de sensibilité. Cette dichotomie dans la forme et le contenu fait tout le sel de cet album. Bill y a injecté de la matière, en résumé : sa vie !
Cet album a été fignolé aux petits oignons, de nombreuses séquences sonores ont bénéficié d’un travail méticuleux et une attention toute particulière a été portée à la production (samples divers, cordes, piano ou chœurs d’enfants irradient les mélodies). Son expérience approuvée de producteur est aussi à consigner ; elle est toute spécialement convaincante sur le dernier opus de Michael Head (Dear Scott). Devenu son ami, le réputé chanteur des Pale Fountains et de Shack collabore sur le morceau «…And The Sea… » en récitant un extrait du pavé Ulysse de James Joyce.
lechyd Da affiche une série optimale de 13 compositions pop, luxuriantes et solaires, marquées du sceau de la mélancolie et à haute teneur intimiste, et par séquences à la Mercury Rev période Deserter’s Songs rêveuses et cosmiques. Le chant chaleureux et ample de Ryder-Jones suggère le timbre de voix crooner de Richard Hawley. Le grandiose single « This Can’t Go On » qui contient les samples d’un hit disco de 1978 (« Every Little Beat of My Heart » de Flaslight) en est le suprême archétype.
A rebours et à l’instant t de la découverte de cet opus, l’écoute achevée de son 1er titre « I Know That It’s Like This (Baby) » on est déjà convaincu que l’on tient là un bel ouvrage. Reprise de l’artiste brésilienne Gal Costa ce titre de 1969 fait écho à l’histoire d’amour entre Bill et son ex petite amie. «I Know That It’s Like This (Baby)» était leur chanson, et fût la première à être présentée dans le processus d’enregistrement. Elle reste un marqueur très spécial pour le musicien britannique.
La connexion avec son second opus de 2013 (A Bad Wind Blows In My Heart) sa référence jusqu’à aujourd’hui est ici bien présente. Graphiquement pour le ton chaud des couleurs des pochettes et textuellement via les morceaux « A Bad Wind Blows In My Heart Pt. 3 » et « Christinha ». Savamment orchestré dans son studio de West Kirby situé à 35 minutes en train de la gare de Liverpool Lime Street et à 1 minute à pied de la mer ce disque aux réminiscences folk britanniques et à la pop de la Mersey fait définitivement la part belle au franc parlé.
Un vrai moment de sincérité porté au pinacle sur l’avant dernière piste, « Thankfully For Anthony », où le scouser nous dit sa gratitude envers un ami qui l’a soutenu dans les moments difficiles. Le court et doux instrumental final au piano « Nos Da » (bonsoir en gallois) raconte la fin d’une histoire mais fleure bon le parfum de la renaissance.
Domino Recording Co Ltd / 2024
En concert jeudi 28 mars à La Maroquinerie, Paris
https://billryderjones.ffm.to/iechydda.OEM
Tracklisting :
- I Know That It’s Like This (Baby)
- A Bad Wind Blows In My Heart Pt. 3
- If Tomorrow Starts Without Me
- We Don’t Need Them
- I Hold Something In My Hand
- This Can’t Go On
- …And The Sea…
- Nothing To Be Done
- It’s Today Again
- Christinha
- How Beautiful I Am
- Thankfully For Anthony
- Nos Da