Le quatrième des post hardcoreux Nantais joue le jeu de la subtilité et des mélodies shoegaze/postpunk, et les hisse en Ligue 1 de l’international indie rock. 


Au cœur du brasier ardent du rock post-hardcore, Watertank fait un peu figure d’exception dans le paysage hexagonal. En effet, on peut compter sur les doigts d’une moufle les formations tricolores apparentées au genre, dont les piliers historique depuis les années 90, Quicksand (US) et Refused (Suède), on fait de belles portées à travers le globe. Même nos excellents compatriotes Jack and the Bearded Fisherman (Besançon rocks !), avec qui ils viennent de tourner, sont plutôt ancrés dans le heavy noise.

Et pourtant, comme on rêverait de voir Watertank, par-delà nos frontières, à l’affiche des grands festivals, se frotter aux mêmes scènes que des pointures comme Nothing ou Torche, tant leur puissance n’a absolument rien à leur envier. Programmateurs inspirés, si vous nous entendez !

Monument de guitares vrillées et implosives, la formation nantaise Watertank, menée de front depuis 2003 par le vaillant Thomas Boutet (chant, guitare), a connu divers changements de line up au fil des années. Le quatuor semble désormais stabilisé autour de Romain Donet (guitare, également membre de The Great Destroyer), et de sa redoutable section rythmique Willy Etié (Basse) et Matthieu Bellemere (batterie, toute dernière recrue). Une discographie qui, comme il se dit d’usage, “privilégie le qualitatif au quantitatif”, avec seulement quatre albums enregistrés depuis 2013, Sleepwalk (2013), Destination Unknown (2015),  Silent Running (2020) et aujourd’hui Liminal Status (2024), tous chaudement recommandés. Quatre ans après Silent Running, formidable opus hélas éclipsé par la pandémie, son successeur Liminal Status, encore plus impressionnant, est un vibrant modèle d’abnégation.  

Si les deux premiers albums érigeaient un mur massif, quasi stoner, alliée à des mélodies aériennes dans le sillage de Failure, Polvo et Quicksand, ce quatrième opus étoffe davantage son armada sonique d’ambiances atmosphériques voire shoegaze, développant une colère plus froide, mais bel et bien toujours prégnante. Une démarche déjà esquissée sur Silent Running (aux relents pixisiens) mais encore plus subtilement filtrée sur ces dix nouvelles compositions, dès les arpèges inquiétant et hypnotiques de Sneeze Season, ou sur le rugueux Solely Mine, qui finit par exploser avec des choeurs noisy rock splendides, ou encore le tourmenté Dreams Logic.

Moins épaisses, les guitares laissent davantage d’espaces aux mélodies sculptées dans le parpaing (Liminal Status), à la manière des récents travaux shoegaze de Nothing et Torche. Mais il s’y trame aussi une mélancolie post-punk qui étrangement nous rappelle les trop méconnus texans d’I Love You But I’ve Chosen Darkness : notamment sur Clean Shot, où le chant de Romain Donet n’a jamais été aussi soigné, ou encore The Long Face, doté d’un pont superbe tout en sensibilité rentrée. Mention spéciale à la basse bulldozer de Skyward, rehaussée d’arpèges clairs façon Chameleons, qui pose un climax splendide. Imparable. 

Mais il faut aussi saluer le monstrueux travail abattu par le batteur Matthieu Bellemere, vigoureuse recrue maniant avec classe l’art du contre-pied rythmique (le très tendu Cut Gum), et poussant sa formation définitivement vers le haut. Il faut également saluer la production léchée, enregistrée live et mixée par Christophe Hogommat (Mad Foxes, 20 Seconds Falling Man, etc.). Le réservoir (Watertank) à nouveau plein d’essence, Liminal Status carbure définitivement à l’excellence. Amis amateurs de guitares sophistiquées, courez les entendre sur scène, vous ne le regretterez pas.

2004 – Atypeek Music

watertank.bandcamp.com

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Tracklisting :

1. Sneeze Season
2. Cut Gum
3. The Long Face
4. Liminal Status
5. Skyward
6. Solely Mine
7. Dreams Logic
8. Century
9. Clean Shot