Comme ses idoles grunge/psyché rock, Opinion empile les compositions en mode stakhanoviste et fait-maison, sans forcément faire de choix entre quantité et qualité, comme le prouve sa dernière sortie, Horrible, loin de l’être.
D’une voix désarmante de sincérité, il clôt l’entretient par cette phrase : « ce que je souhaite ? j’aimerai pouvoir continuer à faire ce que je veux et RAF du jugement des autres ». Hugo Carmouze a seulement 21 ans, l’apparence d’un grand enfant, et semble en avoir déjà bavé. Originaire du Gers, il explique ne pas avoir pu monter de groupe, car il n’y avait personne là où il habitait. Issu d’une famille de musiciens, il ne se résout pas pour autant à exprimer son talent et produit chez lui, dès ses 14 ans, sous le nom de Opinion, soit le titre d’une chanson enregistrée à l’arrache par Kurt Cobain seul avec sa guitare, et figurant sur un bootleg culte. Influencé par le Grunge, mais aussi par le revival Garage-punk (Oh Sees, King Gizzard…), Hugo enregistre seul les instruments et place ensuite sa voix. Il compose ainsi une palanquée de productions, comprenant LP, Maxi… trois albums seraient encore dans un tiroir.
Bien sûr cette façon très DIY de s’auto-enregistrer en jouant de tous les instruments parait de moins en moins exceptionnelle, bien qu’elle révèle un don pour apprendre à jouer chaque partie, et la créativité qui permet de se démarquer. Chez les meilleurs on aura plaisir à citer le Bordelais foutraque TH Da Freak, le Londonien romantique Yellow Days, ou encore le désespéré Trevor Power (Youth Lagoon). Tous ont cette facilité à créer l’essentiel, des mélodies qui touche et qui reste dans les têtes. C’est bien sûr le cas d’Opinion, dont les introductives « Hyperglam » et « Talking About Yourselves » font immédiatement mouche, suivi par « Easier1 » ou « It Hurts (sometimes) » sur lesquels le chant, avec beaucoup de personnalité, semble prendre sa place sans forcer sur de beaux et monolithiques riffs gavés de saturation.
« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait », Hugo / Opinion a fait sien cet adage, en s’attaquant seul a un pic musical, Horrible étant à forte tendance Shoegaze, dans le choix de la saturation – qui donne une vraie couleur a l’album car quasi identique sur tout son long, et posait donc un vrai défi sur la production. Il fait aussi quelques clins d’œil bien sentis au genre, comme ce démarrage de batterie sur l’excellente « It Hurts (Sometimes) », très proche du son qui fait démarrer Loveless de My Bloody Valentine, et sur le même titre, nous rappelle une référence plus récente, les Anglais de Ulrika Spacek (« NK »).
Pour autant, un autre monstre sacré semble réellement hanter cet album, le titre « Smashing Pumpkins » prenant peu de détour pour nous mettre sur la piste : plus que sur la palette sonore, il y a dans l’air, presque imperceptible et pourtant si présente, cette douce nostalgie nimbée d’effets et de saturations qui constitue l’immense Siamese Dreams. Une question d’état d’esprit au moment de la composition ? Possiblement. Un vrai talent à composer, à s’approprier le souffle d’une œuvre, indéniablement. Vertigineux quand on pense à l’âge et aux moyens dont dispose le jeune homme.
2024 / Howlin’ Banana Records
Ttracklisting :
- Hyperglam
- Talking About Yourself
- Missing Something That Never Happened
- This Generation
- Smashing Pumpkins
- My Whole Life
- Easier 1
- Bats
- Have A Nice Life
- It Hurts (Sometimes)
- Dusthorses