Premier album très attendu de la nouvelle révélation rock New Yorkaise mené par la charismatique Karen 0. Une fois de plus et malgré une médiatisation exagérée, force est d’admettre que la cité skyline affirme sa suprématie rock dans la catégorie « One Take ».
Avril 2002, le Jon Spencer Blues Explosion fait une halte à Paris dans la salle du Trabendo. Ce soir là, j’avais rendez-vous avec les légendes New Yorkaises à l’occasion de la sortie de leur nouvel album, Plastic Fang. Entre deux questions avant leur prestation, Juda Bauer s’emballe sur la première partie « Tu connais les Yeah Yeah Yeahs ? Tu vas voir, ce groupe est phénoménal ! Je peux te les présenter si tu souhaites les interviewer avant le set ». Poli, je refuse la proposition, n’ayant pas l’habitude de questionner un groupe dont je n’ai pas entendu le moindre morceau. Peu après l’entretien, je me souviens encore être passé devant une loge où trois jeunes étudiants à l’allure inoffensive attendaient sagement le moment fatidique de l’épreuve scénique. Rien de très glamour, dans tout cela et je me demandais bien ce que pouvait leur trouver le guitariste du Blues Explosion.
Quelques minutes plus tard, la tornade Yeah Yeah Yeahs déboulait sur scène et volait carrément la vedette aux vétérans New Yorkais. Un set court mais dévastateur : tel l’incroyable Hulk, les gentils petits étudiants se transforment en bêtes de scène, détenteur d’une fascinante puissance. Au micro, Karen O cache son visage derrière ses mèches corbeaux, hypnotise l’audience et prend des positions suggestives de groupie déchaînée. Plus statique mais pas moin possédé, Nick Zinner est le Jimmy Neutron de la guitare électrique. Derrière une allure de délinquant gothique, l’homme à la six corde parvient à tirer de son instrument un son à la fois sale et gigantesque à mi chemin entre les Cramps et les texans de Lift To Experience. En l’espace d’une soirée les Yeah Yeah Yeahs étaient devenus « la » révélation rock. Inutile vous dire que je me mords encore les doigts rien que de repenser à cette proposition qui prenait alors tout son sens. Voilà ce qu’on appelle un rendez-vous manqué.
Un an plus tard et quelques prestations annulées en France, un Master EP qui fait figure de révélation suivit d’un single « Machine » assez médiocre, le trio de Brooklyn publie aujourd’hui son premier album Fever To Tell. Pour replacer le contexte, les Yeah Yeah Yeahs sont devenus « LA » nouvelle coqueluche des médias et traîne la réputation d’être aussi énorme que les Strokes dans leur propre ville. Rajoutez là-dessus que Karen O avec la petite amie du chanteur des Liars, vous obtenez les raisons d’un tel engouement médiatique.
Heureusement, les Y Y Y semblent avoir résisté à la pression médiatique et font paraître un an après leur début fracassant un album maîtrisé de bout en bout. Le pari risqué de renouveller un Master EP format long est réussi. Contre toute attente, ce n’est pas Alan Moulder qui s’est acquitté de la tache de producteur (remercié dans les crédits, on peut sentir tout de même son savoir-faire « shoegoazer » sur certaines parties de guitare) mais David Andrew Sitek. Le jeune trio possède toujours un savoir-faire indéniable pour pondre des standards efficaces et énervés: « Date With The Night », « Pin », « Yeah New York » et bien d’autres sont là pour le confirmer… Nick Zinner est toujours un guitariste inspiré, le son de sa guitare a pris de l’ampleur et n’a jamais été aussi menaçante.
Mais le plus étonnant demeure la dernière partie de l’album. Contrairement à ce que l’on attendait, ce sont sur des titre plus intimes comme « Maps », « Modern Romance » et le morceau caché où le groupe dévoile une facette mélancolique inédite jusqu’à présent. On s’aperçoit alors que Karen O peut tout chanter : tour à tour en PJ Harvey de la première heure, traumatisante Cat Power et même une Chrissie Hynde lorsqu’elle entame un registre plus apaisé. Si bien qu’on aquiesce sans broncher quand elle chante « Stay, They don’t love You like I Love You » Sur « Maps » , veille rengaine d’amour résignée archi ressassée.
Finalement, les Yeah Yeah Yeahs, rappelle d’autres formations amécaines du début des années 80 comme Hüsker Dü, replacements et consorts. Des groupe amateur de musique pop qui se cachent derrière une identité punk sans concession. Une formule qui leur convient aussi à ravir sur cet efficace premier album. Un album rock qui n’a d’autre ambition que de toucher l’auditeur.
-Lire aussi la chronique du Master EP
-Le site officiel desYeah Yeah Yeahs