Requinqués depuis le médiocre Flowers, les Bunnymen optent pour un retour tout en guitares scintillantes. Pour des Goulags comme celui-là, on signe sans problème.
Sacrés Bunnymen… Plusieurs fois nous les avons cru vidés, battant retraite, essuyant des revers du destin, parfois même quelques disques indignes. Et pourtant, c’est au fond du gouffre que le petit lapin semble renaître chaque fois de ses cendres. A grand coup de baguette magique, le phénix sort du chapeau, plus fort que jamais (heu, non ?).
Rappel des épisodes précédents : alors que le groupe entrevoit une lueur de succès massif à la fin des années 80 avec le tube “Lips Like Sugar”, le décès tragique du batteur Peter de Freitas (accident de moto) peu avant Reverberation, disque en perdition, avait signé l’arrêt de mort du groupe. D’ailleurs, son propre leader Ian Mc Culloch quitte le navire avant d’entrer en studio, laissant Will Sergeant seul maître à bord recruter un chanteur dont l’histoire a effacé toute trace. Puis vient le rabibochage entre Sergeant et Mc Culloch pour un album commun en 1993 (Electrafixion) bien palot par rapport aux splendeurs des quatre premiers albums.
Alors qu’on n’y croyait plus, le duo opte pour une reformation de la dernière chance, rejoint par le bassiste historique Les Pattinson. 1997, nos rongeurs préférés nous tendent la carotte avec le verdoyant Evergreen, magnifique et rempli de ballades dantesques. Pattinson perdu en cours de route, le désormais duo double la ration de carottes avec un nouvel opus parfait, What Are You Going to Do with Your Life ?. Et puis c’est encore la chute : Flowers (2001) est un disque bâclé où la routine semble être le seul maître mot. Deux épisodes solo médiocres plus tard (Glide et Slideling), la paire est de retour…
Conscient qu’il va falloir opter pour un sérieux programme de remise en forme, Hugh Jones, producteur du second album Heaven Up Here (1981), a été tiré de sa douce retraite. Conscient que les ballades orchestrées à la The Verve ne sont plus vraiment d’actualité, le choix d’Hugh Jones est plutôt judicieux : c’est l’un des rares producteurs à avoir magnifié le son de guitare de Will Sergeant. Et oh surprise, Siberia est un disque épatant. Plus orienté guitare, l’opus tient son lot de pop songs vertigineuses, bien placées en ligne de front, histoire de montrer que les Bunnymen sont toujours capables de tenir debout après 26 ans de carrière.
“Stormy Weather” nous rassure d’entrée, le genre de titre fébrile qui nous rend confiant pour le reste de l’écoute. “All Because Of You Days” enfonce le clou, poignant et doté d’une jolie envolée où les tours de passe-passe guitaristiques de Will Sergeant brillent particulièrement. Et c’est le grand retour du monsieur ! Si Flowers renouait lamentablement avec l’énergie d’Heaven Up Here, Siberia est au contraire un festival de six-cordes avec un Will Sergeant au mieux de sa forme. En témoigne son travail d’orfèvre sur l’explosif “Of A Life” dont la grâce rivalise avec Seven Seas, ou encore le très nostalgique “Make Us Blind”. Et que dire de cette grande gueule de Mc Culloch ? Le crooner néo-romantique n’a rien perdu de sa superbe, parvenant toujours à tirer des refrains imparables au romantisme désenchanté. Et même si ce grand fumeur s’essouffle niveau inspiration en fin de parcours (sur deux titres, mais bon, Ocean Rain ne contenait que 9 titres donc on ne perd pas trop au change), Siberia reste un grand cru. Vraiment, quel plaisir d’entendre un groupe chéri en pleine possession de ses moyens.
N’en déplaise aux puristes, ce groupe est la preuve vivante que l’on peut perdurer depuis près d’un quart de siècle et toujours avoir quelque chose à dire.
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