Un brun, une blonde, des bottes et beaucoup de reverb, l’alchimie ultime pour torcher des pop songs dignes de ce nom.


Mais qu’ont-ils tous à renier les fûtes en cuir et les brouhaha des pots d’échappement percés ? Les Raveonettes, duo scandinave apparu en 2003, ont choisi tout comme les Black Rebel Motorcycle Club de baisser les potards des amplis. Ils ont troqué -via prêteur sur gage- leur bordel noisy pour des guitares « surf » Gretch, tambourins, et des choeurs en « Hoo Waoo ». Evidemment, un choix judicieux.

Pour avoir assisté à une prestation live des Raveonettes lors du festival des Inrocks 2003, rarement on avait eu l’occasion d’entendre un tel vacarme, un tel parti pris pour l’esthétique dissonante de Jesus & Mary Chain. A vrai dire, même si l’on vouent un culte pour Psychochandy, le larsen lors du concert était tellement puissant que l’effet gâchait un peu le plaisir de ses chansons plutôt bien troussées. Pas vraiment étonnant que le duo se soit lassé de cette surenchère sonique… et à bien y regarder, leur premier album The Chain Gang of Love (jusqu’à leur nom) amorçait déjà quelques prédispositions pour les fantaisies pop de l’usine à rêve Spector. Pretty in Black (clin d’oeil au ““Pretty in Pink” des Psychedelic Furs?), tranche donc avec son prédécesseur. Le bruit blanc s’est volatilisé, à la place, des guitares vintage 60’s habillées de flanger tentent de nous refourguer le coup de la ballade brise-coeur si chère aux Righteous Brothers (“Seductress of Bums”).

Tout comme leur mentor Jason Pierce, ténébreux pharmacien du médoc Spiritualized, Sune Rose Wagner et Sharin Foo doivent être du style à se promener dans le Soho londonien un exemplaire vinyle à la main de The Lonely Surfer de Jack Nitzsche. Comme il est étonnant de constater à quel point ses groupes arrogants et turbulents -certes ambitieux- cachent un amour désarmant pour l’âge d’or de la pop ! La passion des Raveonettes pour les girl bands des sixties américains et tout se qui se rapproche du fameux «Wall of Sound» devient un immense terrain de jeu sur Pretty in Black. Voilà ce qu’on appelle un album labellisé « 60’s ».

Les emprunts sont flagrants, mais ce serait un peu trop facile de jeter le rocher à ce duo danois. Les Raveonettes ne sont pas de pales imitateurs : sans toutefois user de l’arme absolue symphonique, Pretty in Black baigne dans une réverbe western Morriconesque comme savait en concocter Lee Hazlewood pour la coquine Nancy Sinatra : “Seductress of Booms” repompe sans vergogne le mémorable “Sand”. On n’avance pas non plus que tout ici sent la redite : C’est fait avec beaucoup de goût et quelques touches modernes comme une boîte à rythmes et quelques ambiances synthétiques discrètes nous rappellent à notre bon vieux XXIe siècle.

Mine de rien, il faut un sacré doigté pour ne pas se vautrer dans ce genre d’entreprise, et pour cela il faut de solides chansons. Sune Rose Wagner s’avère un mélodiste doué, assez habile pour trousser des ballades touchantes, ce que Jason Pierce, grand maître des ficelles du «Back To Mono», peine un peu à délivrer. Musicien touche à tout, Wagner tient indubitablement les rennes tandis que la charmante blonde Sharin Foo apporte la touche glamour essentielle.

Notons enfin que les anciens ne s’y sont pas trompés, en témoignent les participations de Moe Tucker (sur « Red Tan ») et la rescapé Ronnie Spector (sur « Ode To L.A »), venus apporter une touche de crédibilité à ce dîner d’anciens élèves. Et puis il y a le pionnier du synthé punk, Martin Rev, venu pointer son nez sur quelques plages du disque (le très Garbage “Twilight”). Les Raveonettes n’ont pas totalement débranché les guitares et signent peut-être leur meilleur morceau rock avec la chevauchée sauvage “Sleepwalking”.

Bien plus fin qu’ils ne le laissent entendre, ces Roxette duty free, sont sur le point de se sortir une énorme épine du pied en se dégageant de l’étiquette « nouveau rock » et en amorçant un virage artistique plus “carriériste”, moins opportuniste. Leur futur rétro s’annonce plein de rebondissements.

-Le site officiel des Raveonettes

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