L’anti conformiste Luke Haines est en grande forme. Son dernier album Smash the System fait feu de toute part.


Ce musicien Anglais est un observateur avisé de la vie culturelle et sociale de son pays. Il a toujours manié avec à-propos, provoc, humour et références culturelles. Smash the System ne déroge pas à la règle. Il est aussi annoncé comme son premier album non conceptuel depuis 2009. Dont acte !

A 49 ans, en déjà vieux grognard, sa saga est lancée en 1993 en pleine période Britpop, par l’intouchable New Wave, premier album de sa formation The Auteurs. Ce rock classieux et mélodique sera indétrônable en cette année 93. A l’instar de son contemporain – Lawrence et de son groupe Felt qui virera de trajectoire avec Denim et Go-Kart Mozart – Haines abandonnera  lui aussi en cours de route le rock indé, pour plonger la tête la première dans la musique à dominance  synthétique. Il tournera le dos à la facilité et snobera tout son monde avec les projets élitistes Black Box Recorder tout auréolé de son hit – ‘’The Facts of Life’’ – ou dans une moindre mesure avec Baader Meinhof  et The North Sea Scrolls.

Luke Haines est un hyperactif à l’imagination fertile ; les idées incongrues ou pertinentes fusent à la minute. Son cerveau est toujours en attente de nourritures diverses. Depuis 21st Century Man (2009)Haines a donc jeté son dévolu sur des thèmes aussi disparates et improbables que la lutte en Angleterre (comprendre le sport olympique), le rock animalier imagé, le punk rock à New York dans les années 70, où les bunkers atomiques en Grande Bretagne. Un sacré tour de force pour un résultat musical malgré tout disparate.

Smash the System a tout d’une compilation extravagante et nous met d’emblée l’eau à la bouche. Jamais en mal de bon0005911419_10 mots et de rimes efficaces, le trublion anglais jette en pâture sa vision du monde actuel et passé. La musique claque ! Les synthés musclés apportent un liant au chant et paroles de Haines, toujours aussi vindicatives et absurdes. Les mélodies sont addictives. Les écoutes se succèdent dans un dynamisme incontrôlable. On ne lâche pas facilement l’affaire. Signe là d’un disque hyper convainquant.

 

L’album a du répondant et de nombreux atouts. C’est aussi une vitrine des traditions, en référence à sa pochette qui célèbre la danse ancestrale et traditionnelle anglaise (The Morris dance). Le premier titre – ’’Ulrike Meinhof’s Brain Is Missing’’ – plante furieusement le décor et nous propulse dans le second degré, l’humour déplacé et la métaphore. Les synthés anxiogènes sont bourrés d’effets horrifiques et les paroles mémorables. Le ’’gauchiste’’ Haines a la gnaque. On ne résiste pas à un florilège de ses meilleurs mots :

« And I lived in a jar, in East Berlin » / « i was clinically depressed » / « body body over the wall »/ « Organic matter on the run »/ « There’s a hullabaloo in the Stasi HQ » – Il y est donc question de cerveau dérobé (celui de la combattante terroriste du groupe Fraction Armée Rouge qui sévissait durant les années 70 en Allemagne), d’une matière organique en cavale, d’un raffut au QG de la Stasi, du mur de Berlin… Luke la main froide revisite donc la guerre froide en quelques vers.

Sur « Black Bunny (I’m Not Vince Taylor) », les mêmes causes produisent les mêmes bonnes chansons. Le chanteur rock des années 50 tout de noir vêtu dont il est question, auteur du « Brand New Cadillac » et inspiration du personnage de Ziggy, se voit honoré au son d’ambiances à la Suicide et de claviers robotiques.

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– I’m just looking for Vince Taylor /At the rock n roll station on the rock n roll train/Jac rides a rock n roll bike in the rock n roll rain –

 

« Ritual Magick’ » est la face acoustique de cet opus. Luke Haines y sème au vent ses notes magiques. Ce conte musical à la lisière de l’occulte respire au son d’un folk pastoral. Il précède l’inquiétant et le puissant « Power Of The Witch ». La tornade Haines débute sur un méchant ‘’Jack fuck!” et déballe sur un beat d’enfer un rap fracassant. On retrouve ensuite la normalité d’un samedi après-midi en ville. En compagnie de Luke, de sa guitare électrique – en mode acoustique – et de son nouvel achat, un blouson d’aviateur.

‘’- Saturday Afternoon I bought a Bomber Jacket / Beautiful Afternoon, Beautiful Bomber Jacket -“

Sur la bombe glam rock ‘ »Marc Bolan Blues’’, Luke Haines est chaud bouillant. Sur ce calque parfait du meilleur de T-Rex, Haines ne traite paradoxalement pas du sujet Bolan. Les paroles sont ‘sex plicites’.

Chaque titre est une trouvaille. On se délecte de l’instant, tout en anticipant impatiemment le prochain. Sur ‘The Incredible String Band » Haines s’attaque à un de ses groupes de chevet. Leur folk psychédélique est magnifiquement et simplement revisité. Le ton est acoustique et minimal pour déraper de façon inattendue sur un petit solo de kazoo. Sur cette courte portion du disque les mélodies sont tempérées et les paroles sont économes (‘’Cosmic Man’’). Mais la frénésie pointe de nouveau. L’électro et indie ‘Smash The System’ démarre au vocoder et nous pousse dans sa danse.

‘Do you like the Monkees?’ / Let’s Smash the System’

La psyché du groupe British The Monkees y est analysée. Que du bon temps (Good Times!). Haines achève la fête sur le mélancolique « Are You Mad? ». Cette dernière vignette est un inédit exhumé d’un best of de The Auteurs.

Mais qu’on ne se m’éprenne pas. Smash The System est d’abord un état des lieux intérieur. Un chemin pour trouver une autre voie, briser ses habitudes et rejeter la réalité. Voilà sa réponse pour cette année.


Une petite note de son compte twitter : ‘Psst! I’ve got another solo album coming out in November. On CD – available to all and not expensive… Eyes peeled. More info soon…’.

http://www.lukehaines.co.uk/

Cherry Red Records – 2016

Tracklisting : Smash the System

  1. Ulrike Meinhof’s Brain Is Missing
  2. Black Bunny (I’m Not Vince Taylor)
  3. Ritual Magick
  4. Power Of The Witch
  5. Cosmic Man (intro)
  6. Bomber Jacket
  7. Bruce Lee, Roman Polanski and Me
  8. Marc Bolan Blues
  9. The Incredible String Band
  10. Cosmic Man
  11. Smash The System
  12. Are You Mad?