A cheval entre les tableaux pop psyché 60’s et une electro discrète, ce duo américano-britannique aime la pure soie des mélodies. C’est doux, c’est neuf ? Oui, lavé avec The Earlies. Faites passer.
Qu’il est rare d’entendre sur disque une telle concentration de sensibilité psychédélique, d’arrangements finaux, véhicules d’une si belle sérénité à nos oreilles. Et pourtant, la carrière de ce premier album, These Were The Earlies n’a pas été de tout repos. Originellement sorti en 2004 chez la major WEA en Angleterre, l’opus est malgré tout distribué presque sous le manteau. Mais les critiques sont élogieuses, et le bouche-à-oreille opère jusqu’aux rives du nouveau continent, où le généreux label Secretly Canadian décide en juillet 2005 de faire partager cette petite merveille outre-atlantique.
Depuis, en grand conquérant, The Earlies nous reviennent par la grande porte, signés chez EMI. Preuve que le rock sait aussi parfois reconnaître ses trésors cachés avant que la faucheuse ne fasse sa salle besogne… En écho à ce va et vient contractuel, The Earlies est aussi un groupe en perpétuel chantier, une sorte de collectif dont la main d’oeuvre est en développement croissant. Cela a d’abord démarré sous forme d’amitié entre deux producteurs/ingénieurs du son, John Mark Lapham respectivement texan de son état, et Giles T. Hatton trentenaire mancunien habitué à squatter les studios de la région. Leur amour commun pour les disques d’avant-garde – avec une préférence pour la décade sixties- les pousse à transcender l’écorce de leurs mélodies nébuleuses. Deux ans plus tard, Brandon Carr (chant guitare), Christian Madden (piano, arrangements) rejoignaient le duo en tant que membres permanents. De ces quatre piliers de fondations, on ne compte plus le bataillon de musiciens qui se sont greffés à l’aventure…
These Were The Earlies n’est pas tout à fait un album, mais plutôt une compilation des cinq premiers Eps et singles parus précédemment. Tous les titres ont été retravaillés à l’occasion de cette compilation, ce qui a certainement permis de donner un peu d’homogénéité à l’ensemble. Il faut avouer que si l’on parle souvent de kaléidoscope pour évoquer la pop psychédélique, le disque des Earlies n’y fait pas non plus défaut : épopée Smilesque et laboratoire de pop abstraite (Van Dyke Parks, Roxy Music, United States of America) s’associent à des bandes-son de Peplum et symphonies electro-ambient. The Earlies détient l’exploit de compresser toutes ces influences sur un petit sillon de 12 cm diamètre. Si le titre de musique progressive fut galvaudé par un mouvement devenu incroyablement rétro (un comble), The Earlies peut – tout comme ses confrères d’Olivia Tremor Control, Flaming Lips – prétendre à réhabiliter ce terme. Point de démonstration technique ou d’étendards instrumentaux de 20 minutes, juste l’envie d’exploser les habitudes sensorielles, explorer des territoires sonores vierges.
On pense d’abord que ces chansons sont passéistes, surtout dès l’intro a capella “In The Beginning” (du pur Beach Boys) et ses arrangements naïfs, mais à écouter en profondeur, les textures et la production sont bel et bien du côté électronique. Les éléments digitaux sont tellement bien fondus qu’on ne les soupçonne guère. Cette plénitude des sons, son côté apaisé mais étrange ne manquera pas de rappeler les ambiances de Rock Bottom, même si les paroles de John Mark Lapham sont relativement plus légères que celles Robert Wyatt, témoignages de sa dépression d’antan. Le piano et les claviers sont prédominants, baignés dans des arrangements régulièrement traversés de rythmiques afro, le tout tentant de recomposer une mélodie claire mais sans refrain. L’incroyable densité des arrangements converge vers des mini symphonies tout en volupté, à tel point que chaque instrument concourt à se faire le plus discret possible.
A cheval entre instrumental et chanson, “Wayward Song” nous réconcilie avec le Sophtware Slump de Grandaddy. Le très lounge, “Slow Man’s Dream” avec ses claviers en apesanteur relevé par un tuba est un anti-stress recommandable. Entre une symphonie mammouth, “The Devil’s Country” et incantation chamane futuriste « Morning Wonder”, le disque est peut-être un peu trop long, mais jamais ennuyeux. On retiendra surtout un étonnant talent à composer une musique psychédélique pleine d’allégresse, de légèreté. Vivement l’album, prévu pour cette année.
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