Après sept ans de silence, la meute indie rock canadienne revient plus fort que jamais avec peut-être son tout meilleur album.
Il s’en est fallu de peu que cet article ne vît jamais le jour, procrastination maladive, atermoiement éternel et surtout la crainte terrible de le rater, ou pour le moins de manquer son but, à savoir traduire la beauté de ce disque et l’émotion qu’il contient.
Depuis 2005, le groupe canadien vient avec plus ou moins de régularité hanter nos oreilles. Les voix des deux chanteurs, Dan Boeckner et Spencer Krug n’y sont pas étrangères tant elles paraissent écorchées et habitées (pardonnez votre humble serviteur qui encore aujourd’hui a toujours autant de mal d’ailleurs à les distinguer tant leurs timbres se ressemblent). Alors, leur rock épique et lyrique se rapprochait de celui de leurs cousins Arcade Fire, rythmiques furieuses et grandiloquence exacerbée. Tandis que certains chercheront en vain la conquête de nouveaux territoires, Wolf Parade creusera tranquillement son sillon, mettant en avant sa facilité mélodique et sa furie rythmique.
Cry Cry Cry donne donc envie de pleurer, pleurer, pleurer. Et de crier crier crier.
Après un hiatus de sept ans qui aura vu se développer avec autant de réussite et d’émotions les projets annexes des membres du groupe, dont les plus évidents Sunset Rubdown ou Handsome Furs ou le plus intime et toujours touchant Moonface, Wolf Parade reprend les commandes avec une virtuosité qui manquait peut-être à la longueur du dernier album, Expo 86.
Cry Cry Cry donne donc envie de pleurer, pleurer, pleurer. Et de crier crier crier. La musique du groupe a toujours suscité ce genre de réaction épidermique. Car l’album est porteur d’une vraie rage aussi bien textuelle que musicale qui s’ouvre sur ce faux téléphone-du-cœur qu’est « Lazarus Online ». L’on y découvre une agence téléphonique chargée de sauver les gens de la mort et de soigner également leur solitude. Quelle belle idée au regard du monde qui nous est donné de contempler, et quel beau morceau pour ouverture de l’album de la résurrection. Les paroles sont d’ailleurs à l’avenant de la folie des hommes, entre constat amer plein de larmes et folle rage. Le tout est alors porté par une section rythmique sans faille et surtout les gimmicks entêtants des claviers, piano ou orgue (instruments de prédilection devant les guitare) qui tissent des transes incessantes jusqu’aux cuivres inattendus qui viennent sublimer les fins d’ »Incantation » et de l’hypnotique « Baby Blue ». « Valley Boy » et sa voix bowiesque viendra conforter cette idée de tristesse incontrôlable (dans un bel hommage à Leonard Cohen « So you finally became that bird on the wire ») immergée dans l’absurdité de l’élection de Trump. David Bowie fera d’ailleurs une apparition en citation quelques chansons plus loin dans le très beau « Am I An Alien Here »
Ainsi, chaque chanson porte son lot de revendications, tournées vers l’amour, la mort et le star-system quand la notoriété est (re)mise en question et en yo-yo dans un très chantant « Who Are Ya » (You wanna move toward the light / you wanna stay in the dark). Voilà donc que les thèmes récurrents du rock’n’roll sont une nouvelle fois passés à la moulinette, au hachoir menu menu menu pour exploser dans un final éclatant, hymne à la gloire des rois faits de papier et de pisse, « King Of Piss And Paper » représentant typiquement le genre de chanson que l’on se repasse dès le morceau terminé. Infiniment.
Il ne fallait donc pas rater cette chronique à propos du meilleur album de l’année, avec celui de Idles bien calé à ses côtés. La force de Wolf Parade réside dans sa maîtrise des envolées de guitares et des rythmes martelant sa fureur, quand les voix en appellent au plus profond de l’auditeur. Le groupe délivre une épique musique d’hymne pour stades intimes, nous offre une bruyante énergie du désespoir qui vous chope par les lacrymales pour vous secouer dans tous les sens sans ne jamais plus vous lâcher.
Sub Pop / PIAS – 2017
Tracklisting :
1. Lazarus Online
2. You’re Dreaming
3. Valley Boy
4. Incantation
5. Flies On The Sun
6. Baby Blue
7. Weaponized
8. Who Are Ya
9. Am I An Alien Here
10. Artificial Life
11. King Of Piss And Paper