Désormais en trio, la formation vétéran de Chicago a choisi l’épure par les guitares, toujours avec une science confondante de la mise en son.


Près de 25 ans de carrière, 11 albums et toujours aucun signe d’engourdissement pour The Sea and Cake. Si il existe bien un groupe auquel la constance fait honneur, c’est bien cette formation emblématique de Chicago emmenée par le multi-instrumentiste et chanteur Sam Prekop (ex Shrimp Boat). De ses débuts assimilés dans la mouvance post-rock, la formation s’en est rapidement émancipée en s’appropriant des éléments de jazz, electro voire ambient, et bien sûr la pop dans sa forme la plus ouverte qui soit, toujours avec une maîtrise confondante du ciselage.

Peut-on qualifier The Sea And Cake de groupe expérimental ? On pencherait plutôt pour  explorateur tant la composition et la mélodie demeurent un socle inamovible sur chacun des albums. Et puis il y a la voix diaphane et délicate de Prekop, immédiatement identifiable, qui confère à elle seule sa singularité à l’ensemble. Aussi mélodique soit-elle, la musique de La Mer et du Chocolat n’est jamais pour l’auditeur une affaire acquise. Chaque album s’assimile à une expérience immersive, nécessitant dès lors plusieurs écoutes avant de pouvoir pleinement saisir ses infimes nuances et subtilités. Mais l’attention auditive se transforme vite en dépendance.

Six ans après un formidable Runner (2002) aux textures synthétiques prononcées, Any Day tend plutôt cette fois vers une approche minimaliste et organique centrée sur les guitares. Probablement que le récent départ du bassiste historique, Eric Claridge (parti se consacrer à son autre passion, la peinture) a réorienté le groupe vers cette direction. En résulte cet album, Any Day enregistré en configuration trio – soit John McEntire (Tortoise) à la batterie et à la mise en son, Archer Prewitt aux guitares et bien sûr Sam Prekop – une première dans la longue carrière du groupe.

Il semble que Prekop ait désormais suffisamment à faire avec ses activités de compositeur de BO et ses opus solo (The Republic, paru en 2015, très orienté electro) pour ne plus satisfaire avec The Sea and Cake ses envies d’expérimenter sur des synthétiseurs modulaire. Même si on peut encore entendre en arrière-fond quelques touches discrètes (« Day Moon » et la superbe dernière piste « These Falling Arms » on y revient plus bas).

A vrai dire, en dépit de son approche sans fioriture, Any Day présente une solide collection de compositions aux inflexions pop, guidée par la voix timide de Sam Prekop (formidable notamment sur « I Should Care » et l’étincelant « Starling »). Une esthétique qui pourrait rappeler l’électrique Everybody (2008), mais avec le grain de volume des guitares volontairement diminué. Des guitares claires – mais pas clinique ! , des grilles et progressions d’accords inhabituelles,  une production chirurgicale, tous ces éléments contribuent à une somme d’élégance rarement croisée dans la production actuelle.  Car sous cette apparence lisse, une variété se dessine progressivement au fil des écoutes : que ce soit avec le captivant, « Starling », titre le plus nerveux et arrangé du lot,  “Into Rain” aux touche presque bossa nova,  ou encore la chanson titre, « Any Day », jolie exception où s’immisce des nappes atmosphériques une clarinette et une flûte alto dans ses instants en suspension. Sans oublier These « Falling Arms », superbe coda, qui vous enveloppe avec sa ligne de basse ouatée, merveilleusement ciselé avec des claviers. Avec The Sea and Cake, l’adage “Less is More”, devient non pas un art, mais une science.

Thrill Jockey / Differ-ant – 2018

En concert le 26 mai à Paris, Villette Sonique, concert gratuit.

www.theseaandcake.com

www.thrilljockey.com/artists/the-sea-and-cake

Tracklisting : 

  1. Cover the Mountain 02:51
    2. I Should Care 03:17
    3. Any Day 04:53
    4. Occurs 04:32
    5. Starling 03:30
    6. Paper Window 03:22
    7. Day Moon 03:18
    8. Into Rain 03:53
    9. Circle 03:36
    10. These Falling Arms 04:53