Ce sont des retrouvailles fructueuses que célèbrent ici les deux musiciens. Six ans après Spain, le pianiste dominicain Michel Camilo et le guitariste andalou Tomatito combinent de nouveau leur talent et univers respectifs (d’obédience jazz d’un côté, flamenco de l’autre) pour élaborer une langue commune étrangère aux dogmes stylistiques. Pour preuve, se mélangent sur Spain Again des tangos (ceux d’Astor Piazzolla, auteur investi par trois fois et dont on retiendra surtout le décrochage final, à la mélancolie bouleversante, de “Fuga y Mysterio”), l’atemporel “El dia que me quieras” de Carlos Gardel (sublimé par les arrangements de Salinas, qui a décalé l’intervention des deux protagonistes, Tomatito ouvrant seul le morceau, puis cédant sa place à Camilo avant de fusionner avec lui), un standard de Ned Washington (“Stella by Starlight”), une reprise de Chick Corea (“Fiesta”) et des originaux empruntant autant à la musique classique qu’au jazz latino. Toutefois, en dépit de la virtuosité et de l’implication des deux musiciens, le disque accuse certaines limites : l’alchimie s’avère quelquefois peu enthousiasmante (l’anodin “Fiesta”, voire l’assez convenu “Libertango”) et la beauté recherchée semble parfois moins advenir d’elle-même, naturellement, qu’être fabriquée de toutes pièces pour émouvoir absolument l’auditeur. Un léger opportunisme sentimental que le regrettable morceau chanté par Juan Luis Guerra, sorte de chanson mielleuse sans intérêt, ne fait qu’amplifier.
– Le site de Michel Camilo.
– Le site de Tomatito.