Cela n’aura sans doute pas échappé aux plus cinéphiles de nos lecteurs : le titre du troisième album des japonais de Pascals désigne le premier film en couleur du cinéaste Akira Kurosawa, réalisé en 1970, sans conteste le plus absurde, touffu et magnifiquement déjanté de son auteur. Dans ce sombre chef-d’oeuvre, un enfant délirant et sa locomotive imaginaire traversent à longueur de séquences un bidonville transformé en objet esthétique par un cinéaste/peintre humaniste qui multiplie les genres (mélodrame, néoréalisme, surréalisme, drame beckettien…) et les registres stylistiques pour mieux interroger les notions de réel et de représentation. A l’instar de Kurosawa et de son compositeur attitré, Toru Takemitsu, Pascals ne cache pas son goût pour les mélanges improbables, la libre figuration de l’imaginaire et l’ivresse de la création. La pluralité des instruments (la douzaine de musiciens qui compose le groupe en pratique une bonne vingtaine, alliant instruments classiques à des jouets sonores inventés pour l’occasion), la diversité des orientations musicales (valses, pop, polkas, musiques cinématographiques, chansons, comptines) et une constante jovialité communiquent une impression de rêve éveillé, mais dissimulent aussi, parfois, une mélancolie troublante, comme si, à tout moment, une ombre pouvait venir assombrir le tableau. Sans être véritablement un hommage au film (même si le son d’un train instrumentalisé se laisse deviner ici et là), Dodesukaden perpétue l’esprit enfantin et décalé du film, tout en distillant, aussi, un goût mesuré pour l’expérimentation.
– Le site de Label Bleu.