Ne pas s’arrêter sur la pochette hideuse de ce premier album – clichés mainte fois ressassés à l’apppui – et se diriger directement sur son contenu d’une beauté hautement plus enviable. Un remarquable album pop de facture classique, mais épris d’une mélancolie tout bonnement additive.


Comme chaque retour de vacances, la rentrée est synonyme pour beaucoup d’entre nous de corvée mais aussi du grand retour de notre ennemi juré : le soucis. Sitôt les agréables souvenirs des vacances estompés, nous voilà plongé dans la grisaille du métro, bien souvent accompagné d’une migraine atroce. Pour d’autres, ce sont les rattrapages d’examens ou bien une boite aux lettres remplis à craquer de factures à payer. La-dessus, rajouter l’éternel question que l’on se pose en cette période propice : qu’est-ce que je fous encore à Paris?

Dans ses moments là, toutes les conditions sont favorables pour nous baigner dans une mélancolie et autres remises en questions cycliques. Devant ce contexte, le premier album des Buffseeds peut donc très bien devenir un compagnon de route le temps de ce vague à l’âme passager – A moins de vivre sur une île déserte dénuée de tout lien avec notre société ultra-compliquée et dans ce cas là je ne vois pas pourquoi je continue de m’adresser à toi puisque tu n’as pas de connexion internet.

Originaire du Devon (Sud-Ouest de l’Angleterre) ce quatuor formé voilà quatre ans jouit déjà d’une solide réputation en son fief, écumant les scènes des environs. Airbone, premier EP paru sur leur propre label avait suffit à allumer la mèche, à en juger par les quelques sites web consacrés au groupe (fait plutôt rare pour un groupe qui n’a pas encore d’albums, sauf si l’on s’appelle les Strokes…). Il faut dire que les compositions de Kieran Scragg chanteur-guitariste-compositeur et autrement dit tête à penser du groupe, étaient vachement bien troussées dans le genre pop/rock indé inoffensif.
Quand j’évoque le terme inoffensif, je veux dire par là des compos de facture assez classiques (intro/couplet/refrain/couplet ect…) et pas très penché sur l’expérimentation (quelques guitares saturées par ci par là, c’est dire) avec une voix qui ne nous agresse avec des d’hurlements inutiles.

Au départ, l’écoute de The Picture Show m’a sérieusement posé un point d’interrogation. La voix de Kieran Scragg est tellement féminine que je me suis longtemps demandé si ce n’était pas Ella Lewis (batteuse du groupe) qui officiait réellement au poste du chanteur, concluant hâtivement à un malentendu sur la bio que l’on m’avait envoyé. Après vérifications, le jeune homme possède des cordes vocales assez stupéfiantes, sans pour autant passer pour la Castafior.

The Buffseeds sont donc détenteurs de mélodies accrocheuses susceptibles de plaire aux plus grands nombres. Pour plus de détails se référer directement à Eskobar, K’s Choice, Coldplay et autres Travis ambassadeurs du genre. Parti de ce constat, force est d’admettre que les Buffseeds sont plutôt doués pour écrire des torch songs imparables. On ne sent ici aucune prétention à devenir le nouveau Brian Wilson, mais la simple volonté d’écrire les chansons les plus honnêtes possibles. A ce jeu là, nos quatre amis anglais maîtrisent parfaitement leur formule et savent éviter les gros pièges « FMisant » qui tachent : l’épique « The day she fell to earth » tout comme la plupart des titres pourraient facilement tourner au mièvre, mais la retenue semble le mot d’ordre. Et c’est tant mieux.

Produit de main de maître par Ian Caple (Tindersticks)et épaulé entre autres par Michael Brauer (Coldplay) les Buffseeds semblent avoir formé l’équipe idéal pour pondre un premier album impeccable. Peut-être un peu trop d’ailleurs. Mais ce qui rattrape cet aspect propet et lisse, c’est que The picture show possède une réelle entité : il se dégage une cohésion et une couleur particulière qui permet de classer cet objet au-dessus de la flopée d’albums évoluant dans le même sillon.

Le ton pesant qui se dégage de cette pop de facture assez classique (les textes réalistes et assez tristes de Scragg ne sont pas là pour améliorer l’ambiance, au contraire) et la sincérité qui s’y dégage parvient à donner vie à un album rare, parvenant à maintenir le juste équilibre entre chansons écorchés et adhésion du grand public. On en vient donc à un autre grand album qui marqua nos esprits dix ans plus tôt avec une formule semblable : le I’ve seen everything des géniaux Trash Can Sinatra, superbe étoile filante qui brille toujours dans nos coeurs.

Certains trouveront la formule de ces rockers du Devon un peu éculée, mais les amateurs de pop sensibles sauront faire la part des choses. Et comme c’est le grand retour des mélodies crèves-coeur sur les ondes radios (voir les autres groupes que j’ai déjà mentionné plus haut), ces jeunes gens possèdent de sérieuses prédispositions pour se hissser une place à leurs côtés. Et puis, il n’y a pas de mal à se faire laisser aller à la facilité de temps en temps, comme qui dirait l’autre.

-Le site des Buffseeds