Quand le rock se donne des coups de pied au cul, cela s’appelle Idles. Et avec intelligence en plus.
Vous l’aurez remarqué si vous suivez un peu la presse rock spécialisée, Idles est partout en cette rentrée automnale. On vous voit venir… pourquoi alors en rajouter sur ce petit webzine ? Simplement, parce que des groupes de rock de cet acabit ne courent pas les rues actuellement, et qu’il serait de notre part particulièrement hypocrite de faire la fine bouche.
« Ah ! la guitare électrique, cet instrument dont on a fait le tour 1 000 000 fois”, cette vieille de rengaine de blasés… Ce n’est pas forcément faux, ni forcément vrai. Idles prouve qu’il y a encore des choses à faire dans le rock, mais aussi à dire… Véritable ouragan scénique, le quintet séduit par sa verve british punk craché façon The Fall et Sleaford Mods, son noisy rock frontale circa Liars/Sonic Youth. Element clé du groupe, Joe Talbot, une personnalité hors-norme, un trentenaire au passif turbulent, un brailleur habité qui envisage la scène comme un exutoire.
« The mask
Of masculinity
Is a mask
A mask that’s wearing me »
Après la belle correction infligée par leur premier album Brutalism l’an dernier (et une montée en grade sur le label Partisan Records), ce second album parfaitement négocié frappe encore plus fort. Idles sait fait parler la poudre mieux que jamais, et gagne en concision lorsqu’il s’agit de torcher des missives furieuses aux refrains braillards et fédérateurs dignes de Joe Strummer : les bruts de décoffrage “I’m Scum”, “Danny Nedelko”, “Great”, ou encore le vertigineux “Never Fight A Man With A Perm”.
Quand bien même, Idles n’entend pas faire du bruit pour le seul plaisir d’en faire. Le propos se veut même régulièrement subtile. Joe Talbot a récemment traversé des tragédies personnelles qui ont conduit cet homme en colère à de sérieuses remises en question : la disparition de sa mère malade, puis celle de sa fille mort-née à huit mois (évoqué sur le bouleversant “June”). On ne s’étendra pas sur les circonstances de tels drames, mais il y a évidement de quoi faire fléchir n’importe quel brute épaisse. Et puis il n’est jamais trop tard pour se remettre en question, apprendre à pleurer, accepter sa part de féminité.
Joy As an Act of Resistance, donc. L’intitulé est on ne peut plus clair. Montrer que le rock peut être un défouloir réfléchi, bien au-delà du bourrinisme keupon et des clichés persistants de la virilité. Faire en sorte que l’énergie incroyable dégagée par le quintet se transforme en vibration positive et fédératrice.
Un ronflement de basse ouvre le monumental et menaçant “Colossus”, tous les voyants indiquent que nous venons de pénétrer dans une zone “danger”. Face à un mur sonique de guitares vrillées, Talbot revendique sa sensibilité et questionne sur son identité de mâle dominant. Idem sur Samaritan, où il dénonce “I’m a Real Boy, And I Cry… I love myself… This is why you never see your father cry”. Idles est un rouleaux-compresseurs mais se questionne aussi sur le terrible “masque de la masculinité” qui nous conditionne.
Certes, Idles n’est pas le premier groupe de rock à nous sortir un discours intéressant sur fond de guitares rageuses. D’autres comme Fugazi, Hüsker Düe, Sonic Youth ou Black Flag ont déjà enfoncé les portes. Mais les bristoliens sont désormais tout désignés pour passer le flambeau à une nouvelle génération avec une conviction et une intelligence que nous n’avions plus constaté depuis trop longtemps dans le rock.
Partisan Records – 2018
TOURNÉE :
30/10 – LILLE, AERONEF
23/11 – LYON, EPICERIE MODERNE
24/11 – BORDEAUX, ROCK SCHOOL BARBEY
01/12 – TOULOUSE, CONNEXION LIVE
03/12 – PARIS, BATACLAN