Kraut, psyché, hard, free… Le monstre garage enfanté par John Dwyer continue de grandir, toujours si jouissivement imprévisible et barré.


Il semble que le récent détour de John Dwyer dans les contrées Psych-Folk de ses débuts via l’avatar OCS avec le très réussi Memory Of A Cut Off Head l’ai encouragé à embellir quelque peu son déjà sophistiqué Psych-Kraut-Garage (liste non exhaustive) Rock. Reparti avec dans sa besace l’amie des débuts Brigid Dawson (qui double sa voix) pour la touche suave, et surtout l’apport de Thomas Dolas qui provoque des remontées d’acide via son piano Wurlitzer, Dwyer ébranle une nouvelle fois une formation qui semblait se stabiliser (guitare – basse – deux batteries) histoire de poursuivre dans sa veine créatrice, lancée à un rythme motorik, naturellement.

Ainsi, la tentation est forte d’avoir recours à un name droping fastueux pour présenter le nouveau Oh Sees, tant il est riche d’influences stylistiques variées, et ce, sans avoir l’air d’y toucher – c’est là sa grande force. Admettons qu’il ne possède pas de vrais tubes défouloir à se passer frénétiquement en boucle (se reporter à « Gelatinous Cube » ou l’hymne « The Dream », anciens titres qui font très bien l’affaire dans ce domaine), Smote Reverser impressionne toutefois par la somme des idées, performances, et influences qu’il représente. C’est, d’une certaine façon, le « Manipulator » de John Dwyer. En bien plus récréatif, évidemment, en plus qualitatif, finalement.

Aussi le « Overthrown » envoyé comme apéritif trois mois avant la sortie de l’album laissait penser à un virage plus métal, dans la veine des cacophoniques Dead Cross par exemple. La pochette (signée Matt Stawicki, auteur de Bandes dessinées Fantastico-médiévales) allait également dans ce sens. Ce titre est en fait le plus violent de l’album, et en est finalement peu représentatif tant l’ensemble navigue entre retour aux sources psych-Folk (« Last Peace », jusqu’à son magistral décollage space-rock) envolées prog (perceptible sur la quasi-totalité des titres) et quelques notes surprenantes sans être dissonantes tels les solos de blues ultra secs façon Buddy Guy sur « Moon Bog », entre autres. Quelques réminiscence electro-bizarres de Damaged Bug sont aussi largement perceptible (« Anthemic Agressor »), pour compléter un festin déjà bien riche.

Crédit: Amdo Photo

L’ancien Maire Occulte de San Francisco (aujourd’hui exilé à L.A) était-il parti avec un concept album en tête ? Difficile à dire. L’esprit « médiéval » des paroles initié sur « Orc » imprègne le tout, tandis que le liant entre les morceaux semble être cette double batterie obsédante, décidément de plus en plus affûtée, et retraçant plus que jamais les rythmes humanoïdes de Jaki Liebezeit (Can), avant, souvent, d’exploser en soutient aux déchaînements de solos et de larsens de leur patron en short.

Smote Reverser  n’est donc pas un album de plus dans le répertoire très fourni de John Dwyer, mais plutôt une somme de beaucoup d’idées travaillées parmi ses différents avatars, sans pour autant sonner comme un best of. Cet état des lieux (brillamment) réalisé, on suppose qu’une page se tourne et qu’il va y avoir de la nouveauté dans l’air. Après tout, la formation a deux batteurs est déjà vieille de quatre ans (une éternité!), et l’album en commun avec Ty Segall que beaucoup espèrent n’a toujours pas eu lieu…

 

Castle Face Records  / Differ-ant – 2018

www.theeohsees.com

 

Tracklisting:

  1. Sentient Oona
  2. Enrique El Cobrador
  3. C
  4. Overthrown
  5. Last Peace
  6. Moon Bog
  7. Anthemic Aggressor
  8. Abyssal Urn
  9. Nail House Needle Boys
  10. Flies Bump Against The Glass
  11. Beat Quest