L’ex Galaxie 500 Dean Wareham part à la conquête de l’Ouest sur un disque onirique où il tire les rênes avec Chris Porpora.
Bien que Luna soit réactivé depuis maintenant 2014, Dean Wareham n’entend pas pour autant se consacrer entièrement à son second amour de jeunesse – après Galaxie 500 of course. Un an donc après avoir mis sur orbite un disque de reprises réunificateur, et quatre ans après son premier album solo, le chanteur et guitariste s’autorise cette fois une infidélité en collaboration avec le songwriter new yorkais Chris Porpora alias Cheval Sombre. Intitulé de circonstance Dean Wareham Vs. Cheval Sombre, l’album contient dix reprises country/folk, réparties équitablement au chant. Un album décrit par les deux principaux intéressés comme du « western sous thème dream pop« . Terme on ne peut mieux approprié.
Outlaw
On le sait, l’ex Galaxie 500 maîtrise parfaitement l’exercice de la reprise, qu’il pratique régulièrement depuis 30 ans, et toujours avec un goût érudit. Aussi nous ne sommes guère surpris – voire plutôt confiant – quant à l’excellence de la sélection proposée sur papier : une rareté bien sentie de Dylan, une pépite desperado de Townes Van Zandt, le classique outlaw “Wayfaring stranger” choyé de cordes, et puis des pépites country méconnues notamment « If I Could Only Fly » de Blaze Foley (1949-1989), transformé en hit US par Merle Haggard dans les années 2000. Pour embellir cet écrin, Wareham a de nouveau sollicité Jason Quever de Papercuts (un proche de Devendra Banhart et Cass McCombs), avec qui il avait travaillé sur A Sentimental Education et dont le savoir-faire en matière d’ornementation réverbérée figure parmi ce qui se fait de mieux dans le giron indépendant. Signalons le renfort dans cette chevauchée de la muse Britta Phillips (Luna, Dean & Britta), ainsi que Anthony LaMarca (The War on Drugs) et Will Halsey (Sugarcandy Mountain). Toutes sont imprégnées d’une atmosphère cotonneuse, un imaginaire émanant des crooneries cow-boy de Lee Hazlewood et bien sûr les clins d’oeil spaghetti au maestro Ennio Morricone.
Par ailleurs, au-delà des titres susmentionnés, l’aspect le plus intéressant du disque concerne les chansons tirées de westerns hollywoodiens, sélectionnées avec le bagout légendaire de Wareham. Tel ce “Wand’rin’ Star”, tiré du film La Kermesse de l’Ouest (1968) chanté à l’écran par Lee Marvin, pas réputé pour un être grand chanteur (ça se saurait), mais brillamment recyclé ici voire réactualisé. Ou encore “My Rifle, My Pony and Me”, originellement interprété par Dean Martin et Ricky Nelson dans le classique Rio Bravo (1959). Sur ces deux titres interprétés par le dandy Dean, ce dernier se les réapproprient en comptine rêveuse et lancinante, magnifique.
Wareham et Sombre se partagent donc le micro tout au long de ces dix titres. Si nous ne sommes pas familier du second, ses murmures manquent parfois un peu de caractère, mais convainquent tout de même, notamment sur le final crépusculaire « Grand Canyon » de Stephen Merritt. On finit par se laisser embarquer sans la moindre résistance dans cette séduisante chevauchée sauvage.
2018 – Double Feature Records.
Tracklisting :
- The Bend in the River (Robbins)
2. Tomorrow is a Long Time (Dylan)
3. Mountains of the Moon (Holland)
4. If I Could Only Fly (Foley)
5. Wayfaring Stranger (traditional)
6. Alberta (traditional)
7. Wand’rin’ Star (Lerner/Loewe)
8. Greensboro Woman (Van Zandt)
9. My Rifle, My Pony and Me (Tiomkin/Webster)
10. Grand Canyon (Merritt)