Conte, rêverie et science-fiction… il y a tout ça dans le cinquième album de folk-pop avant-gardiste de l’américaine Erin Elizabeth Birgy.


Erin Elizabeth Birgy – chanteuse et multi-instrumentaliste originaire de Spokane (Washington) nous attire dans le théâtre de ses rêves. Sa formation depuis une décennie répond au nom de Mega Bog.
Un indice (plutôt une recommandation en fait) nous a mis sur sa piste : c’est l’avis très positif et chaleureux de la californienne Jessica Pratt sur sa dernière production. L’occasion était donc toute trouvée de jeter une oreille sur son cinquième LP. En observant les participations, on découvre des musiciens qui nous ont enthousiasmés cette année. C’est le cas de James Krivchenia (Big Chief) qui outre de frapper sur des fûts a aussi enregistré et mixé cet album dans la région de l’Upstate New York. On apprend également que Birgy vénère la romancière de fantasy et de science-fiction l’humaniste Ursula Le Guin, décédée l’année dernière à l’âge de 88 ans. Ces quelques spécificités mises bout à bout nous ont clairement mis l’eau à la bouche.

“Diary of a Rose” est une nouvelle extraite du recueil  Les Quatre Vents du désir de Le Guin, mais c’est aussi le premier single splendide et exalté (à son échelle) extrait de cet album. Après quelques secondes d’une intro rétro et nostalgique et quelques accords de guitare acoustique, la mélodie devient rapidement riche et luxuriante. La voix de Birgy est bien agréable, très naturelle et chaude à la fois, elle le sera assez souvent malgré quelques crises de folie et quelques changements d’octaves.
Birgy est entourée sur Dolphine d’un collaborateur de la première heure Zach Burba (Iji), de Meg Duffy (Hand Habits, Kevin Morby band), de Nick Hakim et du musicien de Athens Ash Rickli malheureusement brutalement décédé après cet enregistrement (sa voix est immortalisée sur le morceau “Spit in the Eye of the Fire King”).

Dans la même veine que “Diary of a Rose”, l’éponyme “Dolphine” séduit pour les mêmes raisons. Les sonorités sont luxuriantes, la composition très pop semble se construire par strates successives dans un climat chimérique.

Mais c’est sans doute sur des séquences moins formatées et académiques que l’on imagine Pratt et Adrienne Lenker de Big Chief (oui, elle aussi a donné un avis très positif sur ce disque) succomber à ces mélopées folk- pop un brin expérimental. “Untitled (with « C »)” exhale cette ambiance feutrée, cool et intime que l’on a pu apprécier récemment chez la Californienne auteur de Quit Signs. La conclusion de ce voyage (“Waiting in the Story”) est aussi construit sur ce même tempo intérieur et discret malgré un miaulement surprenant de claviers (?) en toute fin.
Birgy est aussi fan de Robert Wyatt, on le conçoit fort bien. Outre l’aspect fluide et tranquille de cette œuvre, on peut aussi y déceler quelques influences jazzy. “For the Old World” est ce morceau où un subtil mélange des genres – bossa, jazz, voire easy listening – est confectionné avec soin et raffinement par les musiciens.

Le concept de Dolphine fait référence à une race humaine imaginaire vivant sous l’eau. Une frange a fait le choix de remonter définitivement à la surface, d’autres à contrario, ont choisi d’explorer définitivement les profondeurs. La théorie de l’évolution selon Erin Elizabeth Birgy ?De préférence Terremer !

L’ensemble des plages sonores sont ici constellées d’effets musicaux bien énigmatiques (à l’instar de bruits divers captés lors d’une escapade en forêt) quelques ponctuations zarbies de claviers par-ci, des entrées d’instruments connexes (clarinette, …) savamment distillées par-là, quelques cris improbables et furtifs ou même d’impromptues saturations de guitares. Les compositions ne souffrent d’aucune entrave mais au final demeurent très limpides. Jusque dans les instants les plus expérimentaux (le sommet est atteint sur “Fwee Again” où Birgy escamote son chant dans un pétage de plombs carabiné), où le charme se prolonge.
Mega Bog apporte de manière convaincante sa pierre à l’édifice de la folk et de la pop non conventionnelle.

 

Paradise of Bachelors / Differ-ant – 2019

Tracklisting :

  1. For The Old World
  2. Hear You Listening (To The Bug On My Wall)
  3. Diary Of A Rose
  4. Dolphine
  5. Left Door
  6. Spit In The Eye Of The Fire King
  7. Truth In The Wild
  8. Shadows Break
  9. Untitled (With « C »)
  10. Fwee Again
  11. Waiting In The Story