De The Bad Plus à Happy Apple, en passant par la Jacob Fred Odyssey (à écouter l’excellent The Sameness Of Difference, sorti en 2005 chez Hyena Records) et la formation de Brad Mehldau/Jorge Rossy/Larry Grenadier (dont le succès dans les années 90, surtout après Songs, a sans doute initié la mouvance qui nous occupe ici), les trios jazz qui se réapproprient le répertoire pop-rock ont manifestement le vent en poupe. Au point d’aiguiser notre esprit critique et de rendre d’emblée suspectes toutes les sorties qui collent un peu trop à cette tendance en vogue. Aussi, lorsque trois musiciens aussi talentueux et reconnus qu’Aldo Romano (batterie), Rémi Vignolo (contrebasse) et Baptiste Trotignon (piano) se réunissent pour reprendre des chansons éculées écrites dans les années 60-70, telles que “Love Me, Please Me”, “Je t’aime Moi Non Plus”, “Mr Tambourine Man”, “Your Song”, “The End”, etc., on ne peut s’empêcher, avant même d’avoir posé l’album sur notre platine, de douter de la totale intégrité artistique d’un tel projet. L’écoute de Flower Power ne viendra malheureusement pas contrarier notre scepticisme. A l’instar de son titre trop connoté, ce disque a un goût de réchauffé et ne parvient pas vraiment à créer l’effet de surprise, ni à transcender son matériau de base. Certes, les morceaux sont alignés avec ce qu’il faut de style et d’énergie pour que l’entreprise ne soit pas taxée de malhonnêteté, ici et là les musiciens s’octroient de lumineuses échappées belles ou témoignent d’une cohésion indéniable (notamment sur le “Sea Song” de Robert Wyatt), mais l’ensemble demeure au final plus maîtrisé et convenu que réellement habité.
– Le site de Naïve.