Avec ce neuvième album, Deerhoof se trouve certainement à un nouveau tournant de sa déjà riche carrière. La route fut longue (dix ans), mais le groupe de San Francisco est enfin sorti du bois, rameute des auditeurs de plus en plus nombreux et décroche des commentaires dithyrambiques, aussi bien du côté des plûmes adeptes du Jugement dernier que du côté de ses émérites collègues spécialistes du manche électrique (Radiohead, The Flaming Lips, Sonic Youth, Beck). Au moment de la parution du précédent The Runners Four (2005), oeuvre ambitieuse et génialement foutraque, on avait salué ici l’aisance avec laquelle le groupe s’amuse depuis ses débuts à confectionner un cocktail de styles tout sauf indigeste. Polymorphes, les morceaux de Deerhoof ne tiennent pas en place, changent d’avis comme de chemise et s’exposent à des contradictions qui les placent sur une crête dangereuse. Mais une telle versatilité peut parfois tourner à l’artifice sitôt qu’elle vire au système et fait de la mise en danger un principe sans enjeux, ni réelles prises de risque. Friend Opportunity en témoigne : la déconstruction des compositions, le collage des genres, les arrangements à tiroirs procèdent d’une logique trop bien rodée pour que les accidents n’aient pas l’air de coups montés. Deerhoof a arrondi les angles, gommé les aspérités, universalisé son langage rock et perdu de sa fondamentale agressivité. La dimension ludique de sa musique perdure, ponctuellement l’inspiration sonore et mélodique demeure, la rythmique s’emporte encore, mais la nervosité, comme la rugosité se sont diluées, émoussées au profit d’effets de surface et d’une posture plus arty-branchée qu’artistique. Reste un long finale, aussi étonnant que mystérieux, peut-être annonciateur d’un renouvellement qui serait le bienvenu.
– Le site de Deerhoof.
– Le site de Tomlab.
– La page Myspace de Deerhoof.