10e album studio pour la formation d’Austin qui prône un retour aux fondamentaux électrique, tout en sonnant monumental.
…Trail of Dead ou TOD, formation culte d’Austin (Texas), n’a jamais fait dans la demi-mesure. Son nom est déjà en soit tout un manifeste : exagérément à rallonge, à prendre ou à laisser.
On peut comprendre l’irritation que les oreilles non averties peuvent éprouver à l’écoute de ce rock outrancier, sa propension à l’emphase, appuyée par des pochettes – en apparence – dignes d’un groupe de metal prog symphonique. Pourtant, depuis leur début voilà près de 25 ans (et en comptant cinq années de hiatus entre 2012 et 2017), la formation emmenée par Conrad Keely et Jason Reece, aujourd’hui seuls membres originels, défie tout catégorisation musicale. Certains critique ont tout de même tenté de les ranger sous l’appellation Art Rock, définition foutoire qui ne veut rien dire véritablement. A vrai dire, le son de TOD ne s’avère ni post-punk, ni metal, pas plus indie rock que progressif, encore moins post-rock qu’orchestral… car Trail of Dead c’est un peu tout ça à la fois, réuni sur le même radeau, comme dans une toile de Géricault : le groupe n’appartient véritablement à aucune chapelle rock, et se plaît même à cultiver sa singularité. Et c’est précisément pour cela qu’on les adore.
TOD entame aujourd’hui son dixième chapitre, réactivé suite au retour de Conrad Keely aux Etats-Unis (parti vivre au Cambodge durant cinq ans, il fut contraint de revenir sous menace de perdre son visa). X: The Godless Void And Other devait au départ donner matière à un second album solo de Kelly inspiré de son expérience cambodgienne, mais les retrouvailles avec Jason Reece s’avérant à nouveau fructueuses, ont finalement remis …Trail of dead en selle. Le groupe à géométrie variable de Kelly et Reece (les deux multi-instrumentistes se partagent aussi le chant) évolue désormais sous forme de quatuor, du moins sur scène. Et force est d’admettre que ce neuvième opus, X: The Godless Void And Other, témoigne d’un regain d’inspiration que l’on avait plus entendu depuis Lost Songs (2012).
En matière d’ouverture instrumentale tempétueuse, les Texans restent imbattable. Il faut dire qu’avec un titre pareil, « The Opening Crescendo », on sait d’emblée où l’on met les pieds. Et d’enfoncer le clou avec l’urgent « All Who Wander », avec Kelly au chant, porté par ce son de guitares si caractéristique, vertigineux et ténébreux, leur procurant une dimension dramaturgique inimitable. Pourtant, nous sommes loin de la surenchère symphonique de Worlds Apart (2005) : la nouvelle configuration sonique demeure plus rêche, électrique, soutenu par des mélodies solides, quelque part entre leur classique Source Tags and Codes (2002) et le plus récent Lost Songs (2012).
Même sans orchestration d’envergure, Trail of Dead fait un boucan d’enfer. Mais attention, en variant les plaisirs, et avec une certaine dose de raffinement : que ce soit les épanchements pop mélancoliques sur les superbes « Don’t Look Down » et « Gravity », en passant par la ferveur rock très fugazienne « Into The Godless Void » (où deux batteries déchaînes se font front), ou encore ce « Children In The Sky », qui semble assimiler tout le savoir faire du groupes en un seul morceau. Comme pour brouiller encore plus les pistes, Kelly et Reece affirment que Talk Talk et Killing Joke seraient leurs principales source d’inspiration sur cet album. Si le premier groupe mentionné peut étonner (on comprend toutefois les accointances dans cette volonté commune de briser les barrières des styles), le second fait sens, la légendaire formation post-punk de Jaz Coleman cultivant depuis toujours un certain sens de l’alienation punk dans une mise en scène dramaturgique.
Comme toujours avec Trail Of Dead, difficile de maintenir une telle tension et débauche d’énergie de bout en bout. L’album traverse à son deux-tiers un petit trou d’air (« Eyes of the Overworld »), voire se laisse parfois porter par des influences prog par toujours indispensables. Toujours est-il que que l’ensemble de ces compositions nous procure encore une fois cette sensation de vertige, comme de voir ériger une montagne devant nous. Conrad Keely et Jason Reece réussissent encore à nous filer la chair de poule. Comme dit la chanson, « Still crazy after all these years… »
Nuclear Beast – 2020
Tracklisting :
1. The Opening Crescendo 2:53
2. All Who Wander 4:54
3. Something Like This 4:36
4. Into the Godless Void 3:58
5. Don’t Look Down 4:42
6. Gone 4:04
7. Children of the Sky 4:38
8. Who Haunts the Haunter 5:31
9. Eyes of the Overworld 1:47
10. Gravity 3:45
11. Blade of Wind 5:41
12. Through the Sunlit Door 3:49