Avec pour toile de fond la voie lactée, le mystique Ben Chasny (Six Organs of Admittance) invoque l’électricité et l’acoustique, avec une petite touche « electro » inédite.
Le nouvel opus du guitariste et songwriter Ben Chasny (aka Six Organs of Admittance) est juste envoûtant.
Depuis 2018, et son projet (hexadic III) on avait abandonné le musicien à ses structures mathématiques issues de son modèle hexadique. Ce concept inspiré par Ramon Llull, un moine du XIVe siècle, a sensiblement influencé ses compositions acoustiques. Sa série Hexadic (I,II,III) reste difficile d’accès, car plus expérimentale ou avant-gardiste.
Ce nouvel LP est notablement plus accessible et chaleureux. Pour autant, Chasny n’a pas délaissé son goût pour l’expérimentation, et a trouvé un nouveau champ d’investigation sonore, en apprivoisant la machine électro : le guitariste a créé tous les sons, programmes et samples rythmique sur Companion Rises. Une petite révolution technologique lorsqu’on sait l’importance cruciale de la six-cordes et de l’analogique jusqu’ici sur son imposante discographie, que ce soit avec Six Organs ou ses divers projets parallèles. Toutefois, les tessitures atmosphériques et boucles ryhtmique sont usées ici audacieusement comme une escorte, un accompagnement à ses impressionnantes pérégrinations folk mystiques.
Chasny, que l’on imagine vivre en total déconnexion avec le consumérisme et le futile, privilégie depuis des années les thèmes du sacré et du mystique. La philosophie, la spiritualité et la mythologie tiennent une part importante dans l’élaboration de ses différentes chansons. Pour mémoire, le libellé de son entité (Six Organs of Admittance) est directement inspiré du bouddhisme, et décrit l’association des cinq sens avec l’âme.Sa copieuse et passionnante discographie en atteste singulièrement : on y croise pêle-mêle le chaud et le froid, le mélodique et le délicat, ou à contrario, le dissonant et le puissant. Chasny en as du fingerpicking s’est installé au gré de son œuvre, débutée en 1998, dans des courants à la croisée du folk expérimental ou Lo-Fi et du rock psychédélique avec une prédilection marquée pour les paysages sonores rêveurs ou les séquences de drones captivantes.
Trois ans après Burning The Threshold marqué du sceau de quelques collaborations ciblées (Haley Fohr (Circuit des Yeux) ou son vieux complice, le batteur Chris Corsano) Ben Chasny revient aujourd’hui seul aux commandes en assurant l’écriture, la production, l’enregistrement et le mixage.
Il y a quelques années dans une interview croisée avec le musicien Andrew Liles, Chasny regrettait de ne pas avoir poursuivi son rêve d’enfance de devenir astronaute ou du moins astronome. Mais nous y voici ! Companion Rises est en effet directement inspiré de l’observation des étoiles et du mouvement des corps célestes. Le paysage sonore est exempt de toute «pollution» qui viendrait brouiller notre perception musicale. La musique développée par Chasny n’est pas rude ou difficile, son écoute est ensorcelante et par intermittence limpide.
Les portes d’entrée et de sortie de cet enregistrement développent la même gamme de paysages sonores rêveurs. L’instrumental et ambiant “Pacific” laisse échouer ses nappes de synthés chimériques, dans un ample flux et reflux, quant à sa conclusion, “Worn Down To The Light”, elle étire insensiblement sa mélodie éthérée et vaporeuse.
La quarantaine de minutes gravée par Ben Chasny n’est pas monocorde et alterne même les séquences panachées. “Two Forms Moving” et son jumeau “The Scout Is Here” privilégient la facette acoustique souvent usitée par le songwriter américain. Le picking acoustique est la colonne vertébrale solide de ces morceaux où tournoient intensément autour un maelström compact de basse, synthés et de batterie.
Suit le songeur “Black Tea” bien plus économe de ses effets et bien lové dans la mouvance des influences du spirituel David Tibet (Current 93).
Le songwriter Californien va ensuite poursuivre sur une montagne russe : l’éponyme “Companion Rises” recueil en effet l’accessit du morceau le plus doux et chaleureux (donc pop) mais il passe ensuite le témoin, à l’entêtant et répétitif “The 101”, qui exacerbe la vision de Chasny ; à son écoute on imagine le musicien pendant son enregistrement happé par le rythme et les boucles saturées et enivrantes. Un vrai trip musical.
Le guitariste Ben Chasny a trouvé ici la formule idoine pour sa thématique musicale. «Les étoiles ne vont pas tarder à consteller le ciel». Le rêve et la vision personnelle des éléments sont laissés au libre arbitrage de chacun.
Drag City / Modulor – 2020
Tracklisting :
- Pacific
- Two Forms Moving
- The Scout Is Here
- Black Tea
- Companion Rises
- The 101
- Haunted And Known
- Mark Yourself
- Worn Down To The Light