Pour aller de son Berry natal à Rio Baril, Florent Marchet n’a pas, contrairement aux apparences, choisi le chemin le moins fréquenté. S’il s’évertue à faire fausse route, toutes le mènent pourtant dans ce lieu prisé qu’est la chanson française, celle des auteurs qui ne s’ignorent pas et perpétuent une fibre littéraire qui se doit de faire encore autorité. Le concept, original sur le papier, d’un roman musical trouve à s’accomplir dans un programme ambitieux que Marchet suit à lettre et qui montre vite ses limites. Car si l’imaginaire travaille à déplacer le réel dans la fiction, c’est pour mieux en vérité la fixer à l’intérieur de clichés parcourus comme autant de fragments de vie éprouvée. Ou comment s’échapper du bocal de la vraie vie pour s’enfermer dans des cartes postales de bocal. Déclinés comme les chapitres d’un roman d’apprentissage, les morceaux – tantôt chantés, tantôt parlés – mettent à l’épreuve un même personnage/narrateur qui, forcément, chute à mesure qu’il grandit. Parce que les passions tristes, les blessures, les névroses reçoivent l’onction artistique de tout chanteur-auteur français qui se respecte ou, plutôt, veut être respecté. Célébrons le cynisme, usons par moments d’un langage cru, déprécions le bonheur, balançons nos petites lâchetés, et le tour sera joué. Preuve que non : ces tranches de vie sentent le renfermé et la caricature auteuriste à plein nez – malgré quelques belles échappées (“La Chimie”, “Pavillon”, l’hilarant “Les cachets” avec Katerine). Rio Baril c’est ici, pas ailleurs, un village perdu qui ressemble à plein d’autres, un condensé d’histoires peu glorieuses qui enfoncent des portes ouvertes et à travers lesquelles tout un chacun est invité à ramasser les miettes de sa pénible existence. Malgré l’emballage instrumental plus d’une fois enthousiasmant, ce second disque de Florent Marchet échoue à laisser transpirer autre chose qu’un désenchantement convenu et une version étriquée du monde. A Rio Baril, on passe son chemin.
– Le site de Florent Marchet.