Sur Savane, le magnifique album posthume d’Ali Farka Touré, le ngoni (petit luth africain à chevalet, instrument clé de la culture griot qui existe depuis le XIIIe siècle) de Bassekou Kouyaté ne laissait pas indifférent, donnant le change au guitariste malien avec un mélange de virtuosité et de complice intimité (il a participé aussi à certains albums de Toumani Diabaté, Taj Mahal, Salif Keita ou encore Baaba Maal). Pour son premier disque en tant que leader d’un quartet baptisé « Ngoni Ba » (le grand ngoni) – augmenté pour l’occasion des participations au chant de la cantatrice Amy Sacko (son épouse), de Zoumana Tereta, Kassemady Diabaté (tous deux aussi aux percussions) et du guitariste/chanteur Lassana Diabaté -, Bassekou Kouyaté ne fait pas davantage l’article de son talent. Tissés entre eux, les arpèges de ngoni déclinés par les différents musiciens composent une étendue homogène et ample, où la domination successive des individualités ne tend à aucun surplomb, et sur laquelle les voix prennent leur envol, clament avec passion des textes inspirés de la culture du Bambara. Tout un répertoire issu de Ségou, la région natale de Bassekou située au bord du fleuve Niger, qui restitué avec un même dessein de transmission et d’actualisation se reçoit comme une offrande universelle. Dans le sillage de celle d’Ali Farka Touré, la musique de Bassekou Kouyaté emprunte autant à la tradition qu’à la modernité : tel inventif mariage de timbres vocaux (féminins et masculins), telles sonorités de guitare électrique en contrepoint, tels clappements de mains inattendus, tel jeu percussif se déployant en de souples arabesques, tels surgissements d’ostinato font de Segu Blue un disque d’une immense musicalité, lumineux, profond.