Alors qu’il se savait condamné, Ibrahim Ferrer a accompli son rêve : enregistrer un disque de boleros. Quelques chansons atemporelles pour oublier, un temps, que l’heure va bientôt sonner et qu’il faudra s’en aller sans faire de bruit. Avec calme et douceur, le grand chanteur cubain fuit les odeurs de tombe et nous offre une oeuvre gorgée de vie. Aux antipodes d’un album crépusculaire (comme le furent les derniers enregistrés par Johnny Cash), Mi Sueño est tout entier du côté d’une joie mélancolique. Bonheur et tristesse épousent leurs courbes respectives pour une ultime danse, langoureuse et humble. Si après l’heureuse renaissance du Buena Vista Social Club, Ibrahim Ferrer a livré quelques albums et prestations scéniques académiques, sauvés malgré tout par une joie communicative et une envie non feinte de rattraper le temps perdu, Mi Sueño est l’occasion pour lui de composer à nouveau avec l’excellence. Entouré d’amis musiciens qui ne sont, de toute évidence, pas là pour faire des excès de zèle, notamment les fidèles Orlando Cachaito Lopez (contrebasse), Manuel Galban (guitare) et Manuel ‘Guajiro’ Mirabal (trompette), ainsi que le très prisé pianiste Roberto Fonseca (aussi aux arrangements), le crooner rayonne comme un soleil fragile que la mort chercherait en vain à voiler. Porté par un feeling et une modestie qui le font aller à l’essentiel, il chante un répertoire de classiques (“Si te contara”, “Cada noche un amor”, “Convergencia”, “Perfidia”, “Quizás, Quizás”…) qu’il réactualise, fait swinger et embrasse avec une tendresse respectueuse bouleversante. Une forme d’insouciance retrouvée à travers laquelle perce la beauté des envies premières.
– Ibrahim Ferrer sur le site de World Circuit.
– Sa page Myspace.