Ce premier mini-album de The Grass Widows survole, en toute humilité, l’histoire de la pop et l’odyssée du folk. Un essai prometteur qui montre, une fois de plus, que la scène folk française se porte au mieux.


Ne cherchez pas dans cette appellation un collage poétique, à la manière de ces auteurs dadaïstes qui écrivaient des poèmes en tirant au sort des mots incongrus de leurs chapeaux. The Grass Widows est une expression idiomatique qui désigne une femme dont le mari est absent – une simili-veuve, pour ainsi dire, aux yeux des gens. Christopher Bartlett, qui est derrière ce projet parisien, explique que c’est un sentiment d’abandon qui l’a poussé à choisir cette appellation sinistre : «The Grass Widows, c’est ce qui arrive lorsqu’un bassiste qui écrit des chansons se retrouve sans groupe. D’où le nom» dévoile t-il sur sa page Myspace. Christopher n’a pas fait de cette solitude forcée une fatalité, et est même parvenu à solliciter Jonathan Morali alias Syd Matters ou des membres de New Pretoria. On a vu pire comme veuvage.

Ce premier album éponyme se définit lui-même comme acoustique. Si la musique viendra faire mentir à quelques reprises cette appellation, on ne peut nier que l’entrée en matière se fait en catimini, camouflée derrière quelques notes au carillon, bientôt suivies d’un thème à la guitare qui annonce le refrain à venir. Puis viennent les accords de guitare et la batterie chuchotante, en même temps qu’on fait connaissance avec la voix de Christopher, douce, grave, un peu voilée, avec cette part d’aléatoire qui sait transcender les petites imperfections. A l’écoute de ce premier titre, c’est à une certaine pop que l’on pense : celle, bigarrée et artisanale, des Pastels, un groupe dont on se demande fréquemment pourquoi il n’a pas encore engendré plus de rejetons. La ligne mélodique de “Spinning” est maîtrisée, et sillonne dans des entrelacs assez réussis, comme en témoigne le refrain (fredonnement garanti dès la deuxième écoute !).

Avec “Mazel”, la mélodie est servie par un jeu malicieux de guitares, en arpèges ou en accords, bientôt fédérées par des nappes de clavier. Le jeu instrumental grignote un peu plus les paroles chantées, avec même une petite touche post-rock, çà et là. La référence à Calc nous vient à l’esprit, car comme ses collègues bordelais, The Grass Widows nous propose une pop/folk de qualité. “Come Back Home” apporte un éclairage gospel à une ballade que Bill Callahan lui-même aurait pu écrire : des choeurs étoffent la deuxième partie de chaque couplet, sur un tempo binaire qui donne irrépressiblement envie de taper dans ses mains – les membres du groupe s’y essaient dès la moitié du titre. L’énergie des Dandy Warhols à la française, c’est donc possible. “In The Woods”, pièce centrale de l’album, est sans doute la plus rapide, menée par la batterie et une lead-guitar électrique.

A partir de “Shadows”, l’album semble se replier un peu sur lui-même, et se dévoile ainsi plus intimiste. L’ombre du maître toutes catégories confondues, j’ai nommé Nick Drake, n’est jamais bien loin, comme dans toute ballade qui réussit l’équilibre entre textures acoustiques et chant habité (“Shadows”, “Little Disaster”). “Fishbones” se charge de rallumer la flamme pop des débuts, avec des accords qui rappellent, en écho, ceux du premier morceau. “Carry On” délivre pour finir un autre exemple de pop acoustique du plus bel effet. Le parrainage de Syd Matters apporte une dimension finement exaltée, grâce à des guitares particulièrement volubiles. On salue avec plaisir cette musique racée et intelligente, qui ne se prend pas au sérieux pour autant. Pourvu que ça dure !

– Leur page Myspace

– Le site du label