XXIe siècle, quelques rockers lettrés entreprennent de redorer le blason d’une pop 60’s luxuriante. Malgré une baisse de régime, quelques mélodies souveraines.
De tous les espoirs annoncés en 2007, ce vibrant quatuor américain d’Austin est sans conteste le plus attendu. Du moins pour les apologistes d’une certaine harmonie pop où exigence mélodique se marie avec esthétique lettrée. Dans ce cas de figure, Voxtrot requiert tous les atouts de la prochaine grosse sensation « indie rock ». Flanqué de quelques singles fulgurants et de faces B non moins percutantes, Voxtrot réhabilite dans le rock une complicité fervente à l’égard de ses fans. Ce sentiment d’appartenance à un club fermé pour initiés dans la grande tradition des Smiths et que l’on pensait révolu depuis les premiers EPs de Belle & Sebastian. Depuis un an, on se surprend à éplucher à nouveau les bacs import dans l’espoir de mettre la main sur leurs derniers singles d’orfèvre, insidieusement disponibles au compte-goutte sous ce bon vieux format vinyle. C’est dire à quel point le virus de la Voxtrotmania s’est infiltré profondément en nous… Bien sûr, nous ne sommes pas dupes, Voxtrot a été pris dans les filets « hype » de la Toile ; mais à l’heure de la musique kleenex, sitôt consommée sitôt jetée, ces guitares endimanchées font montre de principes vertueux, prompts à nous remettre avec passion sur le droit chemin.
C’est sûr, Voxtrot ne fait pas partie de cette catégorie de laborantins du son en quête de la formule chimique ultime. Pour l’instant, leur créneau s’en tient à l’exaltation des sentiments, une vérité transmise par la voix fluette et maniérée du chanteur/compositeur Ramesh Srivastava, dans la droite lignée de Ben Gibbard (Death Cab For Cutie). Plus lointain, les arrangements de cordes lustrés pillent immanquablement les cruciaux Left Banke, Big Star et Zombies (à vérifier sur les surprenants “Real Life Version” et “Ghost”). A cela s’ajoute évidemment un ultime facteur inné qui les hisse au-dessus de la masse : la prestance. Il y a chez ces garçons une allure dans leurs chansons, un bon goût affirmé terriblement européen, en tout cas, trop beau, trop précieux pour émaner de vulgaires texans coiffés d’un stetson. Peut-être est-ce dû à leurs progressions arpégées à l’élégance désincarnée qui revisitent le néo-romantisme 80’s de la grande Manchester. Remarque, ce phénomène avait déjà été décelé chez les chicanos Shins…
Détail qui a son importance sur ce long format inaugural : aucun des singles précédents n’a été retenu dans la tracklist, toutes les compositions sont inédites. Un choix respectable, mais qui relève de la pure inconscience tant de “Mothers, Sisters, Daughters & Wives” à “Trouble”, la qualité des singles alignés suffisait déjà amplement à composer un album exceptionnel. Il est certain que d’autre auraient puisé dans cette manne précieuse sans états d’âme… Voxtrot ne cède pas à la facilité. Mais à trop vouloir donner, les premiers signes de faiblesse pointent…
Pour la première fois, on sent nos protégés en difficulté. L’attention s’est manifestement relâchée, comme crispés devant la tâche à accomplir. Non pas que l’album soit médiocre, quelques moments de grâce éparpillés ça et là ne nous fâchent pas complètement. On retiendra notamment le dandysme cockney de “Stephen”, la distorstion relevée à souhait de “Firecracker” et “Brother in Conflict” (ou l’électricité transcendée par des violons shakespiriens). Simplement, le miracle tant attendu n’a pas eu lieu. On cherche encore le vertige procuré par un “Mothers, Sisters, Daughters & Wives” ou “Soft & Warm” sur ce disque. Peut-être faisons-nous la fine bouche ? Il se peut bien. Mais voyez-vous, c’est que l’on prend goût à être assis systématiquement en première classe.
Voxtrot reste à ce jour une couveuse à single hors du commun, son sacre est seulement repoussé. Mais tout n’est pas perdu, loin de là. Les Smiths avaient aussi semi-raté leur premier album, ça ne les a pas empêché par la suite d’accomplir quelques grandes choses telles que The Queen is Dead. On se plait à penser que Voxtrot empruntera ce même chemin.
– La page Myspace de Voxtrot