Un vendredi soir, à Nice. Le groupe Hey Hey My My, qui a entamé une tournée en France après la sortie de leur premier album, fait une escale dans la capitale de la french Riviera. L’occasion rêvée de rencontrer les doux rêveurs que sont Julien Garnier et Julien Gaulier, fondateurs du groupe.
La vie nocturne à Nice, un vendredi soir de surcroît, n’a pas l’allure trépidante des nuits parisiennes. Hey Hey My My en fait la curieuse expérience, après avoir erré quelque temps à la recherche d’un bar digne de ce nom. Ni trop bruyant – dictaphone oblige – ni trop glauque – sans concours de beuveries dès 19h30 – c’est finalement dans un bar de quartier, non loin du port, qu’a lieu notre entrevue. Les deux Julien, accompagnés de leur bassiste Jeff et de leur batteur Michel, semblent quelque peu fatigués, après les centaines de kilomètres engloutis dans la journée. C’est cependant avec le sourire et en toute simplicité qu’ils répondent à nos questions, avant leur concert programmé au Sezamo, petite salle aux allures de hangar réhabilité. Julien Gaulier, guitariste-chanteur, prend le plus souvent la parole pour retracer leur parcours, leurs influences, leurs aspirations.
Pinkushion : Votre album est sorti fin avril dernier et reçoit un accueil critique chaleureux, grâce au net notamment, via le bouche-à-oreille. Est-ce que vous vous attendiez à un tel accueil?
Julien Gaulier : Oui et non. Oui, dans la mesure où on s’est fait signer par un label. Forcément, une certaine énergie est là, et le but est de faire un buzz autour de la sortie de l’album. Et non, parce que, en ce moment, ça reste assez difficile de se faire connaître, d’une manière ou d’une autre.
Julien Garnier : En même temps, sur le net, ça marche très bien, et c’est assez facile de se faire connaître de cette façon. Mais on ne s’attendait pas à ce que ce soit aussi positif : les gens aiment bien, ça fait super plaisir ! Après, ce qui est marrant, c’est que dans les chroniques qui parlent de l’album, certaines parlent vraiment de l’album, tandis que d’autres évoquent «deux bordelais qui sortent un album». Les gens ont dû lire ça dans la bio, et n’en retenir que la première ligne ! (rires) (n.d.l.r. : Le groupe s’est rencontré à Bordeaux mais vit actuellement à Paris).
Pouvez-vous nous parler de votre rencontre ?
On s’est rencontrés à Bordeaux, alors qu’on était étudiants tous les deux en commerce. On a commencé à prendre des guitares et faire de la musique à ce moment-là. On a commencé par du punk-rock, et on est devenus, d’ailleurs, de plus en plus punk et de plus en plus rock ! (rires) Mais on faisait également des morceaux un peu folk/pop à côté. On s’est rendus compte que la dimension folk était intéressante.
Est-ce que vous avez joué séparément dans des groupes, ou toujours ensemble ?
Julien Garnier : Toujours ensemble.
Julien Gaulier : En fait, pour ma part, toujours avec Julien et d’autres personnes. Mais toi, Julien, tu as commencé au lycée.
Julien Garnier : Oui, au lycée, avec un groupe de reprises. Mais en fait, parmi nous quatre, il y a trois groupes. Il y a, bien sûr, Hey Hey My My, c’est nous quatre. British Hawaii, c’est nous trois, Michel compris (n.d.l.r. : le batteur de Hey Hey My My). Et un groupe qui se nomme Lowmilk, c’est eux deux (il désigne Julien et Michel… vous suivez ?) et d’autres membres.
En fait, vous êtes une constellation à vous tous ! Parlons un peu plus de votre premier album. Combien de temps a pris sa gestation ?
Très longtemps ! Il y a eu un EP récemment sorti en janvier dernier, mais les chansons étaient prêtes depuis un moment déjà. On a enregistré l’album en janvier 2006. Puis on en a travaillé les chansons. L’EP a permis de nous faire connaître ; ça a bien marché, d’ailleurs. Mais certains titres de nos démos ne se retrouvent finalement pas sur l’album.
Justement, ce qui est impressionnant sur cet album, c’est l’agencement des titres, qui donne vraiment une impression de fluidité. L’album s’écoute d’un trait, ce qui est très agréable. Il y a des envolées, des accalmies, des morceaux plus pop. Est-ce que ça a été un casse-tête pour vous, l’agencement des titres ?
On a pas mal réfléchi à l’enchaînement des morceaux, c’est vrai. On a fait un premier tracklisting, puis après avoir réécouté, un autre, puis encore un autre, etc. Je suis assez content du tracklisting définitif. Mettre en ouverture un morceau comme “Merryland”, assez pop, puis des trucs plus doux, et enfin terminer sur une ballade.
Concernant le nom de votre groupe – je suppose qu’on vous a déjà questionné plein de fois à ce sujet ! – c’est apparemment un hommage évident à Neil Young. Mais j’ai cru comprendre que la portée en était plus grande, comme une bannière qu’on reprend ? On intègre un héritage pour en faire autre chose…
Oui, Neil Young est une influence et un artiste qu’on apprécie beaucoup. Maintenant, s’il s’agit d’un hommage appuyé ? Pas forcément. C’est le titre d’une chanson de Neil Young, qui est assez intéressante, car elle comporte des paroles assez intrigantes. Dans le sens où il dit «Rock’n roll will never die; it’s better to burn out than to fade away». On ne sait pas trop s’il s’agit de premier degré, on ne saisit pas exactement ce qu’il veut dire, si les paroles sont cyniques par rapport au mouvement punk, ou pas. Ces paroles sont donc assez riches. Et puis le nom en lui-même Hey Hey My My est sympa !
Il a un petit côté onomatopée, non ?
Julien Garnier : Oui, on aimait bien la façon dont ça pouvait sonner comme un slogan. Cela pose un univers. Si on avait fait du gros rock qui tâche, ça aurait été trop premier degré ! (rires) On trouvait ça marrant en tout cas de commencer par un album pop avec un nom pareil.
En ce qui concerne vos influences, c’est amusant de voir à quel point l’album est jalonné de petits clins d’oeil. A Neil Young, donc, mais aussi à Belle & Sebastian, avec un titre comme “Belle & Julian”…
La première influence, ça reste les Beatles. On adore leur façon d’agencer leur musique, on adore aussi le format court et le fait qu’il se passe des choses à l’intérieur d’un morceau. On reste sur le couplet/refrain, mais au niveau des arrangements, il y a une certaine minutie chez les Beatles dont on s’inspire aussi. Pour ce qui concerne “Belle & Julian”, c’est un cas particulier, j’avais flashé sur une chanson particulière de Belle & Sebastian. J’avais envie de faire quelque chose un peu à leur manière, dans le même style.
Un peu comme eux-mêmes citaient Arab Strap sur le titre d’un de leur album !
Un autre titre se nomme “Morricone”. Quand on l’a composé, on a remarqué qu’il comportait un peu un thème lancinant, avec un côté dodelinant qui pouvait faire penser aux films de Morricone. En tout cas, ça ne nous dérange pas de reconnaître ouvertement qu’on a des influences.
Julien Garnier : Ce qui est étrange à propos de cet album, c’est son coté pop, alors que nous-mêmes n’avons pas écouté énormément de pop. On a plutôt écouté du rock, ou du rock indé comme Pavement, Blonde Redhead. On n’a pas une culture pop incroyable.
L’album a une prétention pop, mais il n’est pas que ça.
C’est vrai, certains l’appellent pop, d’autres folk. Il y a certainement une dimension acoustique, mais l’appellation folk a été utilisée pour présenter le groupe, même si on ne se considère pas vraiment comme un groupe folk. Le folk est plus revendicatif, comme le folk des années 60 par exemple.
Julien Garnier : Et puis il faut dire qu’il y a une attitude et un style qui vont avec le folk, qu’on n’a pas du tout.
Votre musique est plus travaillée que du folk acoustique.
C’est assez arrangé, c’est vrai. Certaines chansons notamment ont été assez travaillées en studio. Mais d’autres sont nées d’un format folk – voix et guitare sèche – et, au fil des arrangements, on s’est plutôt orientés vers un format pop ou rock.
Certains essaient de vous rattacher à une certaine scène folk qui existerait en France. Je pense à New Pretoria, Herman Düne, ce genre de choses. Qu’en pensez-vous ?
On m’a déjà parlé d’Herman Düne, mais je ne suis pas sûr qu’on soit vraiment proche musicalement. C’est la même grande famille, si on veut, mais Herman Düne est plus orienté folk/americana, alors que nous, on vise autant la pop anglaise que la pop américaine. De toute façon, il y en a toujours qui essaient de coller des étiquettes. On pourrait parler de certains articles, qui nous donnent l’impression de ne pas avoir écouté l’album : ils vont faire des liens avec des groupes avec lesquels on ne ressent aucune affinité ! Nous, on utilise les guitares folk à foison, sans être forcément folk.
Sur l’album, il y a certains titres qui ont un côté plus expérimental. Je pense par exemple au titre chanté par une fille, qui a une dimension plus hypnotique.
Tu penses à “Picking”, le morceau un peu électro avec une voix féminine rappée ? La chanteuse, c’est Audrey, qui joue dans un groupe qui s’appelle Envelopes. C’est une amie ; on avait commencé à faire des démos ensemble, et on s’est dit qu’on ferait des titres pour l’album à venir. On avait une matière première musicale sans ligne vocale définie, et Audrey a eu l’idée de rajouter un rap sur ce morceau. C’était amusant de partir sur un trip un peu plus électro. Il y a aussi “Too Much Space”, qui comprend également une batterie électronique. Au départ, c’était plutôt né de contraintes, n’ayant pas de batterie chez nous, on a eu recours à une batterie synthétique, ce qui donne ce côté plus bancal, qu’on aime bien.
Mais la dimension électro n’est pas une direction que pourrait prendre Hey Hey My My…
Non, ça reste au gré des propositions et des rencontres. On verra si on met un morceau salsa sur le prochain album ! (rires)
Justement, est-ce que vous pensez déjà à la suite ?
On y pense. La seule chose qu’on souhaite pour la suite, c’est que le côté boisé soit arrangé avec un peu plus d’énergie, pour aboutir à quelque chose de plus rock. Et un peu plus psyché aussi. C’est la direction qu’on se donne, sans calcul précis.
Comment envisagez-vous la scène ? Une bonne réputation scénique vous précède déjà…
On avait commencé à jouer avec deux guitares folk. Puis on s’est entouré de Jeff et Michel, qui a fait les batteries avec nous sur l’album. Sur le live, on a pris une tournure un peu plus rock, plus saturée.
Julien Garnier : Ca vient aussi du fait que, au sein de British Hawaii, on avait un son et une énergie plus rock, voire punk-rock. On a donc transféré cette énergie-là sur Hey Hey My My.
Avez-vous d’autres projets musicaux, seuls ou ensemble ?
Julien Garnier : J’ai repris mon groupe de jeunesse, avec lequel j’ai commencé il y a douze ou treize ans. On fait quelques essais du dimanche (rires).
Julien Gaulier : Ca s’appelle Super Something, j’aime beaucoup. C’est très rock californien, avec un côté seventies, limite garage.
Julien Garnier : Un peu surf, un peu pop, on s’amuse bien !
Julien Gaulier : Vu l’ampleur que prend Hey Hey My My, il est certain que le groupe reste le centre de nos préoccupations. D’ailleurs, on peut y faire passer toutes nos envies. C’est pourquoi l’album est assez varié. L’album suivant sera sans doute très varié aussi.
Pour l’écriture des chansons, êtes-vous complémentaires ?
Plusieurs possibilités s’offrent à nous. Ou bien j’arrive avec une mélodie de voix et de guitare, puis on arrange à deux. Sinon, on compose plutôt ensemble, mais il y a aussi des titres que Julien écrit seul. Sur l’album, la majorité des chansons a été composée à deux, lui le couplet, moi le refrain par exemple. C’est le cas pour “I Need Some Time”, par exemple.
Enfin, question rituelle : quels sont vos cinq albums préférés de tous les temps ? Vous pouvez faire une liste chacun si vous estimez que cinq, ce n’est pas suffisant !
Julien Garnier
The Beatles, The Beatles
Pixies, Surfer Rosa
Supergrass, I Should Coco
Pavement, Wowee Zowee
Radiohead, OK Computer
Julien Gaulier
The Beatles, The Beatles
Midlake, The Trials of Van Occupanther
Magnolia Electric Co, What Comes After the Blues
Daft Punk, Homework
Queen, The Game
– Lire aussi la chronique de leur album
– La page Myspace de Envelopes
– La page Myspace de Super Something
– La page Myspace de British Hawaii