Meilleur album à ce jour du combo de Louisville, qui n’a jamais sonné aussi dense et maîtrisé. MMJ vient de marquer des points avec son country/rock atmosphérique qui compteront certainement beaucoup lors des référendums de fin d’année.
Sur la pochette du second album de My morning Jacket, « At Down », on pouvait admirer une scène en plein air avec en arrière fond un soleil couchant du plus bel effet, un soir d’orgie rock millésimé Woodstock. Une vision idéaliste du rock 70’s et un clin d’oeil évident au Times Fade Away de Neil Young, symbole d’une période révolue où les groupes de rock avaient un poids dans l’imagerie collective. Cette pochette pourrait résumer à elle seule l’esprit de ce quintet hors norme, dont les modèles se réfèrent à tout un pan de la légende americana : The Band, les Byrds et le Loner en tête.
Originaire de Louisville dans le Kentucky, My Morning Jacket se polarise autour du chanteur compositeur Jim James (incroyable sosie de David Crosby avec trente ans de bière et excès en moins), petit bonhomme qui ne paie pas de mine, mais possède une voix proprement surprenante, capable de mêler la douceur d’un Neil Young aux harmonies cristallines des Beach Boys.
Entouré de ses cousins (Johnny Quaid [guitare], Two-Tone Tommy [basse], J. Glenn [batterie]) et d’un claviériste (Danny Cash), notre troupe de joyeux rednecks semble s’être recroquevillée dans un cocon à l’écart du monde contemporain. Et pour cause, ces irréductibles voguent à contre-courant des modes et véhiculent des clichés que l’on pourrait trouver bien périmés en 2003 : solos de guitares cosmiques, chansons à rallonges, look de bucherons. Pas très affriolant à première vue… Oui mais voilà, il suffit de gratter l’écorce pour constater que ce quintet rock est bien plus malin qu’il n’y paraît et possède un don inné pour transcender les genres.
Ecouter My morning jacket, c’est un peu feuilleter un vieil album photo jauni par de vieux démons qui ne cessent de nous hanter. On ne sait pas trop ce qui nous captive le plus dans cette musique : ses scènes du passé qui émergent de notre subconscient ou bien l’influence marquée de cette musique que l’on croyait enterrée avec le vietnam. En vérité, la musique de My morning Jacket possède une réelle entité. C’est tout simplement un des rares groupe country rock à l’heure actuelle à sortir de la mélasse et offrir quelque chose de passionnant avec les bonnes vieilles recettes.
En 2001, At Down (sublime second opus sorti chez le petit distributeur US Darla) mêlait les ballades du Neil Young D’After the gold rush à la production beaucoup plus singulière d’un Galaxie 500. L’attrait du disque reposait sur un climat à la fois épique et intemporelle. Le son, noyé sous une réverbe outrancière, donnait l’impression que cette musique était jouée dans un stade de foot déserté. Cette spécificité, devenu leur marque de fabrique, en faisait une des grosses curiosités de la scène country alternative outre-atlantique.
Depuis, les choses ont bougé. Les tournées marathons (la scène serait son domaine de prédilection, mais bon comme je vis pas aux states :-‘) et une reconnaissance publique et critique sans cesse croissante leur on ouvert les ponts d’or des majors. C’est ainsi que nous les retrouvons pour ce troisième album dans une sous-filiale de BMG, avec en prime une distribution à l’échelle internationale.
Question rituelle : on est forcément amené à se poser la question si cette promotion ne va pas aller au détriment de la qualité. Rassurons-nous, il n’en ai rien. Au contraire, MMJ vient de nous délivrer son album le plus riche et maîtrisé à ce jour.
Le quintet de Louisville s’est pris en main et on sent un travail plus méticuleux qu’à l’habitude au niveau des ambiances. Chaque chanson s’approprie un genre mais met un point d’honneur à ne jamais sonner similaire avec la suivante.
Paradoxalement, la richesse des arrangements amplifie davantage cette atmosphère live si spécifique au groupe. On a le sentiment d’écouter un big band rock. En ce sens, les influences convergent dorénavant vers The Band. La plupart des titres évoluent toujours vers un format assez long et donnent la fausse impression de tendre vers une jam approximative. Cette tendance typiquement 70’s – assez soporifique en son temps – devient chez My Morning Jacket un art subtil, celui de maintenir la tension jusqu’au bout.
Et puis Jim James est un compositeur remarquable. La première plage de l’album, « Mahgetta », désarçonne un peu par ses arrangements très pop et dansant. Un déluge psychédélique où se cotoie les harmonies vocales célestes digne des Beach Boys. Sublime. Les cuivres mais aussi les vocaux sont plus présent qu’à l’acoutumée, si bien que les barrières de styles sont franchies sans complexe. Et tout au long du disque, on joue un peu à cache-cache avec les références.
On passe de la pure country saloon à au rock psychédélique avec une facilité déconcerte.
« Golden » est un hommage appuyé au classique « Everybody’s Talkin » interprété par Harry Nilsson et nous renvoie vers les images de Macadam Cowboy, l’histoire de deux paumés évoluant en marge de la société. Vraiment, il est rare de trouver un groupe de rock possèdant une telle puissance d’évocation sans jamais donner dans la redite pompeuse et abjecte.
Finalement, pour comprendre Jim James et ses compagnons, il n’est pas nécessaire d’écouter leurs disques, les pochettes peuvent suffire. Celle d’It Still moves montre un ours empaillé entouré de guirlandes et autres motifs kitchs. Et là est la clé : voilà des musiciens qui se contrefoutent royalement du politiquement correct et entend bien mettre en forme leurs rêves : un rock estampillé 70’s avec une vision du rêve américain à la fois amplis d’amour, désillusion et nostalgie.
Doté d’une discographie pour l’instant sans faille (leurs eps sont tout aussi remarquables), My Morning jacket trace une carrière pour l’instant très enviable. En ce sens, il est important d’écouter sa discographie entière pour cerner les subtilités.
Le rock doit véhiculer du rêve et nous transporter vers un monde meilleur. Et contrairement aux effets de style, My Morning Jacket l’a bien compris et reste à l’heure actuelle son meilleur porte-parole.
-Le site officiel de My Morning Jacket